"Je me demande s'il n'y a pas un malentendu profond dans les débats sur le #11novembre
reposant sur l'idée qu'une commémoration "militaire" (cf. le "pas trop
militaire" du conseiller mémoire) revenait à exalter la guerre,
l'idéaliser, la glorifier. Or, et la Grande Guerre n'y est pas pour rien, à quelques très rares
exceptions, les militaires y compris "professionnels" savent mieux que
quiconque, spécialement dans la société française du XXIe siècle, ce que
provoque la guerre donc ne l'aiment pas pour elle-même. Pas un chef militaire depuis plusieurs décennies n'écrit ou ne parle en
ce sens. Cela n'empêche pas de vouloir faire comprendre ce que vit le
soldat dans la guerre, y compris comment certains s'y honorent
particulièrement, précisément parce que faire comprendre cela, c'est faire comprendre ce qu'implique la guerre pour ceux qui la font à
ceux qui ne la font pas. Cette confusion entre "militaire" et
"exaltation guerrière" m'apparaît comme de plus en plus éclairante pour
comprendre ce qui se joue depuis quelques jours maintenant."
Voici comment s'interroge Bénédicte Chéron, après avoir pointé sur quelques articles dont L'hommage appuyé du général Lecointre aux poilus ou encore cette poignante description de la première ligne Voir et entendre dans les combats de tranchées.
Cette rhétorique convenue qui exalte la valeur militaire du soldat sans mentionner la cause du conflit ou bien qui en fait un être jetté arbitrairement dans la mêlée, enjambant des cadavres au milieu du chaos, méritait cette réponse :
"Vous passez complètement à coté du sujet. Parler de la guerre "en-soi"
est un faux débat. Le fait qui est occulté ici est la défense du droit
des peuples ; c'est l'union défensive avec la Russie et la Serbie
menacées par "la barbarie germanique" qui justifie 14-18.
Juridiquement le tord du IIe Reich allemand a été de prendre le parti
des Habsbourg, de l'Autriche-Hongrie dans une cause injuste puisqu'en
soutien de l'agression gratuite de la Serbie. C'est cela qui est indiqué à
Versailles et conforte la cohérence du droit international.
A l'époque lorsque la Maison blanche demande les raisons du casus belli
aux belligérants, seul le Reich ne répond pas au courrier. Non seulement
la clique Ludendorff-Hindenburg se sentait assez forte pour faire
triompher une triste cause, mais aussi gifler le juriste Wilson...
Ceci tient d'une rupture épistémologique de la France bourgeoise. Le
refus de distinguer entre agresseur et victime pour ne voir que des
statistiques, des "civils que l'on a armés", faire d'un défaitiste
notoire un héro. Est-ce le signe d'une confusion morale de nos élites?
Aujourd'hui rendre honneur aux soldats de 14 c'est féliciter leur
fermeté d'âme face à l'agression germanique, leur exigence invincible du
bon droit, leur contribution exemplaire à la défense des principes de
la civilisation face à la barbarie impérialiste et la corruption morale.
Autrement dit une France faite complice de l'Allemagne dans sa tentation
hégémonique, qui participerait à la soumission d'autres peuples
européens aux termes d'un Zollverein ou autre moyen d'ingérence, ne
serait plus digne d'être défendue par eux, ni ne reconnaîtrait ceux de
14.
Commémorer le 11 novembre est difficile lorsqu'il faut passer devant les
tombes profanées de ces héros, trahis d'abord par Pétain, puis les
collaborationnistes et les européistes, tous ennemis du droit des
peuples à disposer d'eux-mêmes, tous ennemis de la France."