"Je me demande s'il n'y a pas un malentendu profond dans les débats sur le #11novembre
reposant sur l'idée qu'une commémoration "militaire" (cf. le "pas trop
militaire" du conseiller mémoire) revenait à exalter la guerre,
l'idéaliser, la glorifier. Or, et la Grande Guerre n'y est pas pour rien, à quelques très rares
exceptions, les militaires y compris "professionnels" savent mieux que
quiconque, spécialement dans la société française du XXIe siècle, ce que
provoque la guerre donc ne l'aiment pas pour elle-même. Pas un chef militaire depuis plusieurs décennies n'écrit ou ne parle en
ce sens. Cela n'empêche pas de vouloir faire comprendre ce que vit le
soldat dans la guerre, y compris comment certains s'y honorent
particulièrement, précisément parce que faire comprendre cela, c'est faire comprendre ce qu'implique la guerre pour ceux qui la font à
ceux qui ne la font pas. Cette confusion entre "militaire" et
"exaltation guerrière" m'apparaît comme de plus en plus éclairante pour
comprendre ce qui se joue depuis quelques jours maintenant."
Voici comment s'interroge Bénédicte Chéron, après avoir pointé sur quelques articles dont L'hommage appuyé du général Lecointre aux poilus ou encore cette poignante description de la première ligne Voir et entendre dans les combats de tranchées.
Cette rhétorique convenue qui exalte la valeur militaire du soldat sans mentionner la cause du conflit ou bien qui en fait un être jetté arbitrairement dans la mêlée, enjambant des cadavres au milieu du chaos, méritait cette réponse :
"Vous passez complètement à coté du sujet. Parler de la guerre "en-soi"
est un faux débat. Le fait qui est occulté ici est la défense du droit
des peuples ; c'est l'union défensive avec la Russie et la Serbie
menacées par "la barbarie germanique" qui justifie 14-18.
Juridiquement le tord du IIe Reich allemand a été de prendre le parti
des Habsbourg, de l'Autriche-Hongrie dans une cause injuste puisqu'en
soutien de l'agression gratuite de la Serbie. C'est cela qui est indiqué à
Versailles et conforte la cohérence du droit international.
A l'époque lorsque la Maison blanche demande les raisons du casus belli
aux belligérants, seul le Reich ne répond pas au courrier. Non seulement
la clique Ludendorff-Hindenburg se sentait assez forte pour faire
triompher une triste cause, mais aussi gifler le juriste Wilson...
Ceci tient d'une rupture épistémologique de la France bourgeoise. Le
refus de distinguer entre agresseur et victime pour ne voir que des
statistiques, des "civils que l'on a armés", faire d'un défaitiste
notoire un héro. Est-ce le signe d'une confusion morale de nos élites?
Aujourd'hui rendre honneur aux soldats de 14 c'est féliciter leur
fermeté d'âme face à l'agression germanique, leur exigence invincible du
bon droit, leur contribution exemplaire à la défense des principes de
la civilisation face à la barbarie impérialiste et la corruption morale.
Autrement dit une France faite complice de l'Allemagne dans sa tentation
hégémonique, qui participerait à la soumission d'autres peuples
européens aux termes d'un Zollverein ou autre moyen d'ingérence, ne
serait plus digne d'être défendue par eux, ni ne reconnaîtrait ceux de
14.
Commémorer le 11 novembre est difficile lorsqu'il faut passer devant les
tombes profanées de ces héros, trahis d'abord par Pétain, puis les
collaborationnistes et les européistes, tous ennemis du droit des
peuples à disposer d'eux-mêmes, tous ennemis de la France."
Par le Peuple et pour le Peuple
Réflexions et commentaires sur la vie politique et l'avenir de la République francaise.
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08 novembre 2018
22 juillet 2017
Controverse avec J. Sapir : Souveraineté et Imperium
Je n'ai pas encore lu ce texte avec B. Bourdin et B. Renouvin publié au CERF qui me paraît riche de propositions et d'arguments. Une petite appréhension me retient pourtant. L'idée pénible de retrouver un autre dialogue de sourds, le simple compte-rendu d'un clivage extrême des opinions. Une impasse prévisible lorsque qu'aucune analyse n'est posée sur des termes consensuels ou des constats d'évidence. Lorsque s'affrontent des logiques appuyées sur des partis pris et des conclusions bancales.
Je tiens cependant à
revenir sur ce qui – me semble t'il - constitue les fondements
d'une thèse philosophico-juridique que vous défendez
courageusement. Puisque vous acceptez d'entrer dans la controverse en
honnête homme et dans un domaine où n'est pas votre point fort. De
même je ne saurai prétendre à une réfutation élaborée et
exhaustive mais de faire réserve sur des propositions fragiles ;
d'évoquer des perspectives murées et qui manquent au tableau.
Ce qui me gène est
que vous semblez approuver cet article ["De l'imperium à la souveraineté", ou la souveraineté comme évolution séculaire de l'imperium] dixit : « Excellent, même si quelques
flous entre imperium et potestas (voir Mario Bretone) »
Je pose donc en
réserve ces éléments :
- L'idée qu'il y
aurait filiation descendante entre imperium et souveraineté.
Au contraire la souveraineté me paraît première, ensuite en vient
les distinctions légales – à Rome -
de ses attributs et fonctions en imperium militiae, domi
et autres institutions. J'en veux pour preuve l'existence
concomitante d'autres souverainetés, d'autres cité-états même
chez des peuples latins de la région, sans parler des étrusques,
lombards, phéniciens, grecs, etc. ni d'autres contrées.
- L'idée d'un
processus historique, d'ordre déterministe, quasi téléologique
dans une « évolution séculaire » de «
glissement de la transcendance vers l’immanence. […] Ce
glissement progressif conféra à la souveraineté moderne l’une
des caractéristiques essentielles : la souveraineté issue
d’elle-même. […] le glissement du sacré vers la
sécularisation fait partie de la modernisation du concept de
souveraineté. […] Même avec Jean Bodin, si ce dernier
consacra le terme de souveraineté tel que nous l’entendons
aujourd’hui, cette dernière est toujours lié au sacré ; en
l’espèce le pouvoir de droit divin dont le Roi de France tirait sa
légitimité. Or, la sécularisation de la souveraineté est
l’élément essentiel de sa définition moderne ; c’est
parce qu’elle est sécularisée qu’elle est immanente, et
réciproquement ».
J'ouvre en
perspective :
- Un biais du
discours qui s'articule en premier lieu sur une réfutation de
l'origine naturelle ou divine de l'autorité, de la loi, de la
souveraineté et donc d'une mission sacrée du souverain.
- Pour cela il faut
négliger l'expérience historique de l'émergence spontanée de la
souveraineté dans tous les peuples du monde et sa cristallisation
native dans toutes les civilisations pour ne focaliser que
l'expérience romaine par ex. En effet prendre en compte cette
pluralité historique en viendrait à identifier des constantes
universelles qui nuisent à l’enveloppe idéologique moderniste et
positiviste. Un constat d'évidence qui lierait dès l'origine la
souveraineté à un ordre naturel et divin passerait par la non
disqualification au titre de mythes, d'anecdotes ou de superstitions
les destins d'un Hammurabi, Thésée, David, Cyrus, Gengis Khan,
Louis IX, etc. Les valeurs universelles et vertus exemplaires du
souverain telle que la loyauté, l'équité, la fidélité, la piété,
la bonté, la fermeté en font alors un gardien de l'ordre temporel,
garant en dernier recours d'une justice terrestre et responsable
religieux du salut des âmes dans l'au-delà. Ce que formalise le
zoroastrisme dans la description d'une lutte cosmique entre forces
bienveillantes et maléfiques ; le christianisme par le mystère
de l'incarnation de Dieu en l'homme, de sa délivrance du péché,
crime contre l'ordre divin.
- Le premier coup
porté à la souveraineté dans son principe serait alors de
remplacer cette tradition sapientiale du nomos/dharma,
de l'ordre divin,
par le discours
séduisant et dit
« émancipateur »
d'un « savoir philosophique » artificiel
et ratiocineur proche par la méthode du sophisme et de la
scolastique médiévale. Discours
qui se résume au mépris de l'humanité et des fondements du droit.
-
Corrélativement ce
process correspond à la montée en puissance et la volonté
subversive d'une classe marchande qui, associée à l'Université,
au
Parlement
et l'aristocratie féodale, vise à l'autorité suprême. Une prétention déplacée, n'ayant pas les moyens d'assumer les exigences
« universelles »
de la souveraineté. Une
tendance constante au
renoncement et
à l'oppression, en est le
signe évident.
13 mai 2016
Réponse à "La confusion qui s’étale" selon L'Observatoire Des Réseaux
Commentaire à l'article "La confusion qui s'étale", toujours "en attente de modération" depuis le 30 avril 2016.
On est pas sortis de l’auberge espagnole! Ce qui serait drôle c’est qu’on n’est pas trop ambitieux pour « refonder à Gauche » [1] : « la lutte antifasciste, qui, sans sombrer dans un front uni à tout crin [On en est loin!] nécessite tout de même face à l’ennemi commun qu’on mette un peu au second plan les querelles de chapelle. » L’intention est louable mais l’objectif tout a fait irréaliste pour au moins deux raisons, l’une clanique et l’autre de philosophie politique.
1. L’Etat de délabrement de la gauche dite « radicale » est manifeste. J’ai bien peur que votre article généreux n’y change rien. Il y a un reflexe clanique qui s’est implanté dans toutes ces organisations politiques, sous le contrôle superviseur d’un régime bourgeois qui distribue prébendes et sinécures à quelques « heureux élus ». Dès lors il s’agit simplement d’être le Guru de sa petite chapelle et pouvoir jouir du pouvoir exaltant d’exclure tous ceux qui ont un peu de jugeote, ceux qui pourraient contredire les déclarations Urbi et Orbi du Petit Comité Restreint à la botte du dirigeant. On organise alors des petits coups foireux entre groupuscules pour prendre un siège ici, pour manipuler le vote d’une motion arbitraire là, pour refouler à l’entrée de la réunion d’autres zigotos qui menacent de prendre la parole et de semer l’embarras… C’est amusant et ça passe le temps. Cela c’est du clanisme interne.
Le clanisme externe, encore un grand projet en voie d’évolution, c’est de dénoncer toutes les autres sectes qui ne sont pas assez radicales « à gauche ». Ce petit jeu est lancé par des pontes, ne vous inquiétez pas l’affaire est bien organisée ! Il y a Chantal Mouffe qui, depuis sa chaire du Department of Politics and International Relations, University of Westminster, condamne « l’illusion du Consensus » et Lordon qui surenchérit en proposant l’abolition du Salariat et même du Capitalisme public… Paf! Qui dit mieux? Chacun veut faire plus marxiste que Marx et plus léniniste que Lénine. Bien pratique pour condamner ensuite, depuis cette position extrémiste et indépassable, ceux qui seraient prêts à faire quelques concessions même temporaires, qui demandent du temps, de la prudence dans les propositions et les réformes, une large table ronde de négociations. Alors vous imaginez bien que l’ambiance n’est pas prête pour une vraie convergence et pour la rédaction d’une plateforme politique. Cela ne semble pas à l’ordre du jour, même pas dans les priorités du « moment historique ».
2. Au-delà de ce clanisme (dont on ne peut que soupconner/suspecter l’intérêt qu’y trouvent ceux qui l’organise), il y a encore un point important qui ne passe jamais le cap de ces querelles de chapelles et qui reste à l’ombre. La question de philosophie politique est la suivante : Peut-on penser que les traités européens conditionnent la vie politique française, ou doit-on faire comme si il n’existaient pas et qu’ils n’auraient aucun impact sur la démocratie?
Vous même n’en parlez pas dans ce texte. Vous ne cherchez même pas discriminer ces vieux routiers politiciens qui se disent de gauche, qui ont fait voter Maastricht, qui font capoter tout le mouvement populaire depuis 2005 et qui en attendant « le grand soir » occupent de bonnes places à Bruxelles… Je dis une bétise ou pas? Lordon par exemple que vous voulez protéger manifestement de toute attaque en le prenant sous votre aile était encore récemment partisant d’un renforcement des pouvoirs du Parlement européen. Mais qui prèche activement la confusion ici? La loi El Khomri est directement issue de la politique européenne de compétitivité du travail par la réduction des « couts » salariaux et participe de la lutte anti-inflationniste de la Commission et de la BCE. Comment y être opposé sans directement mettre en cause le pouvoir supra-national de UE et les traités européens depuis celui de Rome en 1957?
Le problème principal de philosophie politique que vous avez a règler est celui de la démocratie française contre les traités européens et il faut choisir. Choisir entre cet « euro-fascisme » européen que dénonce Todd et la souveraineté nationale condition sine qua non de la démocratie. On ne vous entend pas tellement sur cette question qui, permettez-moi de le dire, éclaircirait toutes les autres et donnerait à chacun l’opportunité de choisir son camp.
Avant de crier « au loup » contre l’ennemi que tout le monde peut voir, il faudrait être assez sioux et courageux pour voir l’ennemi qui s’est déjà infiltré dans votre camp et s’en débarrasser fissa alors qu'il joue en interne la carte du clivage, en attendant que son heure pour vous écraser.
—
[1] Eléments de langage : Toi aussi, apprends à rédiger un manifeste pour refonder à gauche ! http://lmsi.net/Elements-de-langage
07 mai 2016
La Trahison Lordon
Nous
accordons un grand intérêt pour le mouvement du 31 Mars intitulé
#NuitDebout. L'idée d'une expression citoyenne directe, d'un espace de
rencontre et de dialogue, réalisée par l'occupation noctambulle de la
place de la République réveille un espoir commun. S'agirait-il de
ressuciter l'archétype démocratique d'une Agora athénienne où le Peuple
se retrouverait en état de délibération libre et de décision autonome,
souverain et respecté ?
Déjà s'élèvent ici et là de vives critiques et des objections sérieuses pour contredire par exemple le caractère spontané du mouvement, ou son impartialité garantie par "l'horizontalité" de la prise de parole. Mais ce qui gène en particulier dans ce mouvement, c'est la position prééminente qu'y a pris le polémiste Frédéric Lordon comme "leader d'opinion" et idéologue. Car si la parole est libre, ce seront ceux qui en maitrisent toutes les astuces, qui savent dévier le sens des mots et des idées à leur convenance, qui sauront le mieux diriger les foules.
Ici l'hypothèse d'une manipulation se fait jour. Il ne s'agit pas de dévaloriser ce projet démocratique ni l'abaisser au niveau de la querelle personnelle ou d'une dénonciation calomnieuse. Mais serait-il inutile de surprendre le sophiste à l'instant de son syllogisme, au milieu de sa geste corruptrice et obscurantiste, avant que l'oeuvre de confusion et de division ne soit achevée ?
Cependant si il y a manipulation, il n'est pas réaliste de croire qu'elle serait le fait d'un seul. Dans ce sens la Trahison Lordon - si nous pouvons évaluer son degré - serait celle d'un collectif, d'une congruence d'intérêts et d'agents actifs, derrière un porte-parole.
Déjà s'élèvent ici et là de vives critiques et des objections sérieuses pour contredire par exemple le caractère spontané du mouvement, ou son impartialité garantie par "l'horizontalité" de la prise de parole. Mais ce qui gène en particulier dans ce mouvement, c'est la position prééminente qu'y a pris le polémiste Frédéric Lordon comme "leader d'opinion" et idéologue. Car si la parole est libre, ce seront ceux qui en maitrisent toutes les astuces, qui savent dévier le sens des mots et des idées à leur convenance, qui sauront le mieux diriger les foules.
Ici l'hypothèse d'une manipulation se fait jour. Il ne s'agit pas de dévaloriser ce projet démocratique ni l'abaisser au niveau de la querelle personnelle ou d'une dénonciation calomnieuse. Mais serait-il inutile de surprendre le sophiste à l'instant de son syllogisme, au milieu de sa geste corruptrice et obscurantiste, avant que l'oeuvre de confusion et de division ne soit achevée ?
Cependant si il y a manipulation, il n'est pas réaliste de croire qu'elle serait le fait d'un seul. Dans ce sens la Trahison Lordon - si nous pouvons évaluer son degré - serait celle d'un collectif, d'une congruence d'intérêts et d'agents actifs, derrière un porte-parole.
Ce qui rend doublement pénible la tache de suivre le cheminement intellectuel du-dit Lordon - économiste et sociologue du CNRS comme il aime le souligner - ce n'est pas seulement la confusion de ses propositions, les lacunes grotesques de ses raisonemments, ses généralisations abusives, ses conclusions bancales et stériles. Non. C'est surtout le sentiment d'inutilité même puisque ses lecteurs les plus assidus semblent se désintéresser de ce qu'il écrit et ses auditeurs les plus fidèles dans les conférences ou interventions radiophoniques n'entendent rien de ses propos. En fait chacun en ressort avec le sentiment d'être rassuré dans sa propre opinion, leur certitude n'ayant rencontré aucune contradiction formelle - ni logique, ni pratique.
Si d'aventure vous croisez un de ces férus de Lordon-ologie, dans votre conversation ne vous avisez pas de citer cet auteur pour présenter une objection ou contredire l'opinion de votre interlocuteur. Le procédé est inoppérant. En effet on vous répondra systématiquement que vous déformez le propos ou que vous sortez la citation de son contexte. Essayez, vous verrez.
En effet et vous ne pourrez en déduire qu'une chose : le polémiste est des plus habiles. Sa technique, qui consiste à mélanger du certain à de l'utopique, du sérieux au spécieux, du vague au tranchant, du péremptoire à l'ironique, du général au particulier, de l'exemple explicite au contre-exemple implicite, à intervertir l'ordre de la priorité entre nécessaire et subsidiaire, à abuser de démonstration paradoxale, restera pour longtemps inégalée. Dans cette logorrhée interminable essayez donc d'en tirer un extrait suffisant, une citation complète ou tentez d'isoler une constante, un principe axiomatique, une prémice d'où découlerait une suite cohérente... Un poisson s'y noierait.
C'est bien sûr sans aucune espérance qu'il faut se lancer dans cette entreprise de décryptage. Puisque si nous retrouvions ces syllogismes savants, ces trucages de la pensée, ces évidences de fourberie, se serait par coincidence inespérée et pour prix de cet exploit formidable il ne faudrait s'attendre à rencontrer sinon qu'indifférence, du moins aucune reconnaissance.
Pour dépasser le stade du doute et finir par dénoncer la Trahison Lordon, il faudrait partir du noyau d'une philosophie improbable jusqu'à aboutir à ses implications politiques et pratiques les plus aventureuses.
Or le code ADN de cette réflexion néo-philosophique part du concept de conatus qui va s'imbriquer dans une rhétorique de lutte des classes. A partir de là il s'agit d'invalider le concept d'Etat, qui balance et contredit la Weltanschauung (représentation du monde) marxiste en proposant avec constance l'objectif de paix civile et le moyen pertinent d'un arbitrage régulateur ; de réfuter celui de Souveraineté nationale classique que le spinoziste dénonce comme "essentialiste" pour échapper à son exigence morale impérative (il faut bien renverser les principes même de devoir ou de loyauté, désignés comme "essentialistes" pour prévenir l'accusation de trahison) ; d'y substituer une notion fantaisiste de souveraineté de classe prolétarienne ou "souveraineté de gauche", signifiant rien de moins qu'une abolition constitutionnelle du Capital et du Salariat. Une condition politique utopique qui constitue objectivement une défense indirecte de "L'Europe allemande", par la neutralisation préventive d'un consensus politique anti-maastrichien et souverainiste.
Conatus et lutte des classes
Dans le concept de Conatus ou "effort vital" Lordon croit avoir découvert une pierre philosophale. Il en trouve la formule dans "Ethique" de Spinoza : « On ne désire pas une chose parce qu'elle est bonne, c'est parce que nous la désirons que nous la trouvons bonne ». Plus précisément : le Bien n'est pas un absolu, mais ce vers quoi me porte mon désir vital... Grande découverte métaphysique ! De celle qui permet de justifier, l'injustifiable : le vice et la perversion par exemple. A vrai dire cette "notion centrale" chez Spinoza, n'est pas nouvelle on la retrouve chez Descartes ou Hobbes dans "l'Etat de nature", voire même chez Aristote. Bref. La notion évolue plus tard chez Schopenhauer dans la "Volonté de puissance" que l'on retrouve aussi chez Nietsche dans "Par delà bien et mal" et finalement dans la doctrine nazie du Sur-Homme. Rien de très fructueux.
L'astuce de notre génie est d'accoller cette notion matérialiste, abimée par la dérive nietschéeenne, à une autre notion matérialiste, celle marxiste de "lutte des classes" mieux fréquentable. Son dessein est de : "Compléter les apports du marxisme en termes d'appréhension du capitalisme sous l'angle des rapports sociaux par la mobilisation du concept spinoziste de conatus : "cette énergie fondamentale qui produit l’ébranlement du corps et initie son mouvement à la poursuite d’un certain objet" [1]. Il rabachera cette "inovation" dans des pavés illisibles pour installer sa boutique de théoricien marxiste et progressiste. Les spéculations qui en ressortent sont inombrables [2].
Ce faisant, le problème principal - qu'il s'abstient de révéler - c'est la déviation opèrée sur le marxisme historique, critique et objectif vers une pensée subjective et individualiste que d'autres qualifieraient de "petite bourgeoise", on dira pour être aimable "d'accompagnement du Capitalisme". Puisqu'à ce moment nul besoin de produire des ouvrages de fond, documentés et renseignés sur les rapports de production et d'échange, sur la description de faits bruts, le détail des techniques d'accumulation et de conservation de la Valeur. On peut alors balancer aux orties la méthodologie économétrique et la description sociologique des intruments de domination sociale. En effet le désir ne se justifiant pas, foin de rationnalité scientifique, la porte est ouverte aux élucubrations les plus spécieuses : c'est la fête au village. Monsieur le-théoricien-qui-n'a-plus-rien-à-prouver va pouvoir s'auto-satisfaire en plaisantant sur "l'idiotie" de la bourgeoisie et la désorientation de son "conatus".
Une tribune intitulée Les contradictions de Frédéric Lordon d'Elias Duparc aborde ce sujet du "psychologisme" où "un stéréotype se trouve hissé au rang de causalité scientifique" [3]. C'est le point aveugle de son discours : Faire d'un affect un axiome déterminant, dépouille sa lecture socio-économique de tout réalisme. Bien sûr cette présentation subjectiviste ne peut qu'être qualifiée d'insuffisante faute d'une rigueur d'analyse "à la hauteur". Le tableau qui est fait de la domination bourgeoise - bien que prolixe - reste trop lacunaire, assez incomplet en tout cas pour priver son public - médusé ou fasciné - d'une approche efficiente. S'il suffisait d'être sarcastique en jugeant de la rationalité de l'oligarchie au regard de Sirius ou sous la latitude de Lordon cela se saurait. En attendant le fait est que cette caste dispose de positions dominantes et accumule les succès tactiques et opérationnels depuis longtemps. Ce qui démontre par l'évidence que les gestionnaires ultralibéraux sont rationnels, leur calcul risque/bénéfice étant toujours avantageux. Il n'y aurait pas lieu ici de bacler l'analyse de ce système ni de moquer ses stratégies.
Un autre problème émerge. C'est qu'en faisant diversion subjectiviste sur le "conatus" bourgeois et en dégradant le niveau d'analyse marxiste, l'impasse est faite sur la constatation du rapport de forces. Grave erreur. Warren Buffett, 4ème fortune selon Forbes 2014, déclare : « C’est la lutte des classes. Ma classe est en train de la gagner. Elle ne devrait pas. » Sans avoir besoin de connaître le point de vue de ce milliardaire, par l'observation directe de la réalité sociale, politique, écologique, on arrive à cette même conclusion de bon sens. N'importe qui peut en déduire que le jeu est quelque part truqué. En effet la théorie marxiste si elle expose brutalement ce rapport de domination conflictuel des classes sociales n'en déjoue nullement l'aboutissement fatal. Au contraire depuis ses origines le marxisme politique n'a fait qu'exacerber cette lutte et s'est fait l'allié objectif de la domination bourgeoise, notamment en se privant d'une doctrine clé et en lui abandonnant un instrument décisif : la souveraineté nationale et l'Etat-Nation.
Réfutation de l'Etat de droit
Ce qui gènerait presque cet affrontement naturel des "conatus" et cette lutte "naturelle" des classes, serait l'émergence et l'affirmation d'une autorité supérieure qui imposerait un arbitrage, des termes de consensus et de coopération dans l'intérêt de la paix civile. C'est dans cette perspective que Rousseau oppose cet "Etat de Nature" qui laisse libre cours à la guerre de chacun contre tous à "l'Etat de droit". La constitution de l'Etat suppose alors l'aliénation des libertés particulières au profit d'un corps moral et collectif : "Cette personne publique qui se forme ainsi par l'union de toutes les autres prenait autrefois le nom de Cité, et prend maintenant celui de République ou de corps politique, lequel est appelé par ses membres Etat quand il est passif, Souverain quand il est actif, Puissance en le comparant à ses semblables. A l'égard des associés ils prennent collectivement le nom de Peuple, et s'appellent en particulier citoyens comme participants à l'autorité souveraine, et sujets comme soumis aux lois de l'État." [4]
On verrait mal Lordon et ses amis contredire frontalement la thèse de l'auteur du Contrat social. Cependant les propositions émisent par cette faction dessinent une telle ligne de fracture que le résultat serait le même. Il reviendrait à cliver le consensus sur l'indépendance et la souveraineté nationale et à déstabiliser l'Etat de droit. Deux citations sont à cet égard significatives :
1. "[...] en des temps de vacillation intellectuelle, la catastrophe idéologique était vouée à se nouer autour de deux signifiants disputés : « nation » et « souveraineté ». Disputés en effet puisque, pour chacun de ces termes, l’unicité nominale masque une dualité de lectures possibles qui soutiennent des mondes politiques radicalement antinomiques. Entre la nation substantielle, confite en ses mythes identitaires et éternitaires, et la nation politique, rassemblant les individus dans l’adhésion à des principes, sans égard pour leurs origines, bref entre la nation de Maurras et celle de Robespierre, il n’y a pas qu’un gouffre : il y a une lutte inexpiable. Et de même entre la souveraineté comprise comme apanage exclusif des élites gouvernementales et la souveraineté conçue comme idéal de l’auto-gouvernement du peuple. « Nation » et « souveraineté » ne disent rien par eux-mêmes, ils ne sont que des points de bifurcation. Ils ne parlent que d’avoir été dûment qualifiés, et alors seulement on sait vers quoi ils emmènent." [5]
Au-delà de l'effet de sidération, il y aurait bien des commentaires à faire ici. Entre autres : (a) La définition juridique du terme Nation est en effet double : "personne juridique constituée par l'ensemble des individus composant l'État" [6] ou "Dans la doctrine française, telle qu'elle a été exprimée dans nos constitutions de l'époque révolutionnaire et de 1848, la nation est le titulaire originaire de la souveraineté. La nation est une personne avec tous les attributs de la personnalité, la conscience et la volonté. La personne nation est, en réalité, distincte de l'État ; elle lui est antérieure [7]." Mais si l'on veut semer le trouble et les conflits on ouvre un débat sur "l'identité" nationale ou on parle de "signifiant disputé". En effet plus qu'une supposée "dualité" la notion reste plurielle, indéterminable selon que l'on regarde l'ethnie, la langue, la culture, la religion ou la classe sociale... Pour Sieyès elle est l'ensemble des personnes formant le Tiers État [8] , puis elle est identifiée au peuple révolutionnaire qui a abattu la monarchie, enfin sous le II Empire on parle avec mépris du "gros de la nation française, ce ramassis de paysans et de manoeuvres qu'on appelle le peuple". En bref, pour des factieux la Nation est une contrainte majeure : "Quand on n'a pas pour soi l'opinion publique, c'est-à-dire la nation... on peut susciter des troubles, des complots, on peut faire des révoltes, mais non pas des révolutions !" [9]. (b). Réfuter l'héritage national en y opposant la modernité du Contrat social n'est pas plus acceptable. Comme dans la transmission d'un patrimoine, la souveraineté nationale doit être prise comme un tout dans son actif comme dans son passif. Dans le cas historique de la France, le baptême de Clovis ou le sacre de Charles VII à Reims ne peuvent pas être dissociés de tout ce qui a contribué à la constitution de l'Etat de droit et de sa légitime souveraineté. Dans cette perspective utiliser des personnages aussi divers que Maurras et Robespierre pour dénoncer une "antinomie" théorique ou fictive et justifier une "lutte inexpiable" reste hautement révélateur d'une stratégie pernicieuse. Surtout cela revient à dire qu’en partant de ces points fixes et extrêmes que la Nation ne serait plus que l’enjeu, le prétexte de la guerre civile. Or dans le fait - qui est occulté et méprisé ici - c’est que la Nation vit et reste unie par consensus. Un consensus justement rendu possible par l’expression stricte et entière du principe de souveraineté, sans lequel nul espace de dialogue, de délibération politique ou de démocratie n'existe. (c) On note en passant l'effet comique de l'opposition rhétorique entre "élites gouvernementales" et "l’auto-gouvernement du peuple". Ceci eu égard à trahison de nos clercs sur le plan de la souveraineté comme le souligne F. Mauriac : "Seule la classe ouvrière dans sa masse aura été fidèle à la France profanée" [10], mais aussi pour le rôle qu'y jouerait de si beaux parleurs dans une "démocratie populaire" à leur convenance.
2. "Et c’est peut-être celle-là la scène canonique, celle qui dit tout : la hantise du pouvoir — la réunion des étudiants et des salariés ; la surveillance en dernière instance policière du salariat rétif, c’est-à-dire la fusion de l’Etat et du capital, paradoxalement — ou à plus forte raison — quand il s’agit du capital public ; l’alternative radicale de la soumission ou de la lutte collective. [...] Et c’est vrai que, même si nous ne connaissons pas encore bien notre force, ce qui ne fait peut-être que commencer ici a tout du cauchemar pour l’Etat, qui voit ses grand-peurs s’aligner dans une conjoncture astrale du pire : la hantise de la convergence, l’abandon « en face » de la revendication, son remplacement par des affirmations. [...] Mais que peut faire un ministre, ou son directeur de cabinet, de tous ces gens qui en ont soupé de revendiquer ? Rien, absolument rien, ils le savent d’ailleurs, et c’est bien ce qui leur fait peur. C’est que, quand ils abandonnent le registre infantile de la revendication, les gens retrouvent aussitôt le goût du déploiement affirmatif — effroi de l’Etat qui s’est réservé le monopole de l’affirmation." [11]
Sans qu'il soit utile de les développer, les lecteurs de cette tribune ont entrevu les objections à ces affirmations : (a). Le terme de "fusion de l’Etat et du capital" ne renseigne rien d'utile. On retrouve le même amalgame sous la plume de P. Marlière lorsqu'il argumente sur la "Bourgeoisie jacobine" de D. Guérin. [12] Or sur le plan historique [13], l’aubaine de la Révolution, c’est qu’avec l’effondrement de l’Ancien Régime – tant décrié – cette classe Bourgeoise, a pu “sortir de son rang” comme on le disait alors, pour s’installer finalement aux affaires. En usurpant le pouvoir politique, cette Bourgeoisie parlementaire et affairiste eut alors les coudées franches pour accaparer l’institution étatique et la soumettre à ses intérêts. Ce qui explique bien le propos de Talleyrand “Nous allons faire une fortune. Une immense fortune !” Le problème c’est que par nature, si l’on veut, la Bourgeoisie est inapte au service de l’intérêt général. Cette volonté d’enrichissement corporatiste est en tout point contraire au principe de justice sociale et plus loin à l’exigence de stabilité politique. Donc disqualifier un Etat jacobin - conçu dès l'origine assez puissant pour contrer ce cancer de l'injustice sociale - sous le prétexte fallacieux de son usurpation par la haute bourgeoisie, revient à jetter le bébé (Etat) avec l'eau de son bain (l'affairisme bourgeois). Ceci sans règler la question centrale d'une usurpation politique s'appuyant sur la modernité des "libertés publiques" : prétexte d'un égalitarisme formel inopérant sur les injustices réelles. (b). La réfutation du Capitalisme d'Etat et du Salariat semble tout aussi gratuite. Nous aussi aimerions donner pleine confiance à Lordon sur la foi de sa belle frimousse et son doux regard papillonant. Mais par réalisme nous considérons qu'il n'y a chez lui aucune théorie économique de substitution. Proposer de biffer d'un trait de plume ces dispositifs économiques et juridiques actifs n'est pas sérieux. Nous avons ici affaire à des processus lourds d'inertie, dont l'enjeu regarde l'activité et la survie immédiate de millions de citoyens. Quel serait l'utilité de s'aventurer sans modèle alternatif stable dont la mise en place exige un minimum de prudence et de progressivité ? Sans compter qu'il n'y a aucun consensus politique à ce niveau, la contestation et la réaction à ces mesures aussi extrémistes qu'arbitraires mettraient un désordre inimaginable dans notre pays. Serait-ce l'effet réel recherché ? (c). Ce refus de solution négociée, arbitrée en vue d'une opportune coexistence est visiblement une constante. Proclamer l'abandon de la revendication et son remplacement par des affirmations, ne participerait-il pas au même projet corrosif d'abandon du dialogue et de la médiation ? Ce projet de République sociale vitupérante, est-ce là l'horizon réaliste d'une révolution citoyenne ? Quel intérêt accorder à cette vélléité de rédiger une "constitution de gauche" posée comme application de la thèse bancale d'une "souveraineté de gauche" ? (d). Un autre contresens s'impose sur un malentendu : D'un coté on prétend que "l’Etat s’est réservé le monopole de l’affirmation", de l'autre on questionne-répond : "que peut faire un ministre ? Rien, absolument rien..." Il faudrait savoir, tirer au clair cette contradiction : de deux choses l'une, soit il y a monopole, soit impuissance. Nous savons que depuis l'arret Nicolo de 1989, le Conseil d'Etat a contredit le principe fondamental de non-ingérence dans les affaires intérieures et celui de l'autonomie politique et juridique posés par le droit international [14] pour s'aligner sur les dispositions du traité de Rome de 1957. Cela pose le problème d'un conflit de légalité entre les traités européens et les lois nationales. Cela concerne évidemment les dispositions critiquées de la loi El Koumri puisqu'elles sont prises en fonction des injonctions de l'Union européenne concernant la "modernisation du marché de l'Emploi". C'est pourquoi il serait utile de ne rien revendiquer puisque formuler la problèmatique serait aussi désigner la cause européiste et disculper l'Etat national en tant que tel. Ce "nous ne revendiquons rien" s'explique bien dans ce contexte, il permet d'entretenir un flou artistique opportun pour ne pas dévoiller l'erreur de casting : les traités européens restent intouchables et l'Etat prisonnier du complexe de supra-nationalité. Entre nous soit dit c'est une thématique d'autant plus taboue que l'astucieux Lordon s'est déjà exprimé par ailleurs [15] sur son attachement au principe "d'encadrement des politiques nationales"... Pour la "scène canonique, celle qui dit tout", on repassera.
Blocage du consensus et statu quo pan-germaniste
Finalement le discours de Lordon et ses amis n'est pas raisonnable. Mais c'est peu de le dire. Il faudrait aussi en exposer toutes les implications politiques concrètes.
Nous avons déjà souligné l'impasse que constitue le discours internationaliste de "lutte des classes". Il y a longtemps que le piège s'est refermé sur ce trotskysme internationaliste. Même Philippe Pétain, vieille ganache inculte et sournoise, a pu à bon compte se défausser de "l'étrange défaite" organisée par ses complices, sur une prétendue trahison socialiste des instituteurs-officiers de réserve ou des troupes gagnées par l'idéologie révolutionnaire "anti-patriotique". Or il s'agit de la même rhétorique recyclée par l'oligarchie mondialiste et déclinée à l'envie par les influents propagandistes d'une "autre-Europe", d'une "Europe sociale" entrevue comme réalisable par le moyen d'une "convergence des luttes". Une option fantaisiste pratiquement et juridiquement irréalisable mais qui en définitive aboutit au résultat concret d'un complet clivage politique intérieur et à la désabilisation de l'unité et de la solidarité nationale. N'est ce pas le but recherché ?
De même nous avons collectionné ces thèmes "non-négociables" tels "souveraineté de gauche", cette condamnation de la nation "essentialiste", cette impérieuse nécessité d'une "subversion révolutionnaire" contre "l'Etat bourgeois", cette "République sociale" par l'abolition radicale du "Capital et du Salariat", et d'autres encore peut-être seulement évoqués dont l'énumération serait longue et fastidieuse. Nous laissons bien sûr à la sagacité de nos lecteurs l'évaluation de la nocivité de ces slogans taillés à l'emporte-pièce.
Cependant il semble déjà établi que d’évoquer la souveraineté en différenciant une souveraineté de droite et souveraineté de gauche, constitue une erreur grave et conséquente. Pour Rousseau la souveraineté ne se partage pas. Elle est ou n’est pas. Ceci posé comment discriminer une souveraineté "de droite" ou "de gauche" ? Soit l’Etat est souverain, libre de faire ses lois et sa politique selon ses propres critères d’organisation et de fonctionnement, soit il ne l’est pas. Cette méprise - martelée médiatiquement - sur la souveraineté devient comme une mode intellectuelle. On l’a vu après 2005 quand les Mélenchon et cie proclamèrent une victoire du "NON de gauche". Ce discours aurait participé à la censure, à l'invalidation politique d'un vrai front anti-TCE. Pour quelques-uns il ne fallait pas maintenir ce consensus populaire et trans-partisan et le miner par une dialectique politicienne. On a constaté par la suite, ce qu’a donné la tentative de récupération de ce "NON de gauche" par un improbable "Front de gauche". Un fiasco total - ou une manipulation réussie pour certains qui trouvaient intérêt à cette impasse.
Mais quel serait l'intérêt de cet impasse, qui donc benéficirait de cette absence de débouché politique, de reconquête de la souveraineté française ?
L'hypothèse d'une opposition oligarchique et en particulier de l'influence dominante des partisans d'une mondialisation atlantiste [16] est la plus répandue. Mais une autre version se fait jour avec l'idée d'une "Europe allemande". L'Allemagne réunifiée constitue une puissance dominante qui tend, comme de nombreuses études l'ont signalé, à la non-coopération et à renouer des liens avec une stratégie traditionnelle de type impérialiste. On l'a vu pour la politique d'union douanière, d'union économique et monétaire dont elle reste largement bénéficiaire, malgré certaines divergences techniques, depuis l'institution du traité de Maastricht de la BCE à Frankfurt. Sur le plan industriel le déséquilibre de l'infrastructure française est devenu en quelques années criant en comparaison du renforcement du tissu productif outre-Rhin. Par sa politique sociale déflationniste elle a donné le signal d'un renforcement général d'une stratégie de rigueur et d'austérité qui en pesant sur les salaires maintient un taux d'inflation favorable aux réserves de capitaux. Ceci tout en préservant son intérêt national d'une ingérence excessive des institutions européennes par les jugements contraires de la Cour fédérale de Karlsruhe. Tout récement ce même Tribunal constitutionnel de Karlsruhe vient de formuler plusieurs décisions pour donner à la Loi fondamentale une interprétation favorable aux opérations militaire extérieures de la BundesWehr. Les services secrets allemands (BND) quant à eux, n'ont pas attendu ces délais pour intervenir trés tôt en Yougoslavie [17] et contribuer à l'éclatement ethnico-confessionnel de cette nation. L'émancipation française de la tutelle bruxelloise ne serait-elle pas de nature à porter atteinte à cette nouvelle hégémonie germanique ? Cette dernière n'aurait-elle pas intérêt à conserver ses positions et ses acquis récents par un statu quo ; une situation maintenue si nécessaire en encourageant toute initiative y contribuant : tel le projet utopiste d'une "sortie de gauche" de l'institution européiste à la fois cul-de-sac politique et vecteur de clivage en plaçant l'esprit de faction au-dessus de l'intérêt commun. Il est certain que l'ambassadeur d'Allemagne M. Meyer-Landrut, le conseiller Europe d’Angela Merkel [18], suit avec attention ces manifestations confuses et le désordre habituel qui les accompagne...
En dernière analyse il semble difficile d'écarter cette suspicion de trahison de l'intérêt national qui pèse sur Lordon et ses comparses. Sur un plan philosophique il ne s'agirait que d'une simple "colinéarisation des conatus" sur celui de la puissance germanique prédominante. Et en définitive que n'a t'on cessé d'entendre de l'économiste-vedette ? L'Allemagne veut ceci, l'Allemagne craint cela... Si Lordon s'est rabattu dernièrement sur l'idée d'un retour à la souveraineté monétaire : est-ce en faisant le constat d'un déni démocratique ? Est-ce en rapportant les difficultés socio-économiques des français, voire des grecs, ou des italiens, ou des portugais, etc ? Est-ce en évaluant la situation précaire du budget et des services publics ? Que nenni. C'est selon le constat que l'Allemange n'accepterait pas un contrôle de la politique monétaire par un Parlement européen aux compétences élargies en la matière [19]. Une position qu'il s'empresse de justifier en faisant larmoyer dans les chaumières sur les traumatismes inflationistes de la République de Weimar, alors que les autorités utilisaient ce subterfuge pour contourner les obligations de réparations du Traité de Versailles ! Tout ceçi dégouline d'ignominie sans ressembler même de loin à la contribution d'un débat où l’intelligence sortirait gagnante.
Conclusions
A ce sujet un contributeur écrit (à juste titre) : "M. Michéa, M. Lordon animent le débat en critiquant sans RIEN proposer en échange. A quoi servent ils dans le fond ? Ils me font penser à ces clowns de cirque qui amusent le public pendant qu’une équipe technique installe la cage aux lions." Alessio Moretti, un animateur de #NuitDebout à Nice sur la nécessité "d'aiguiser nos armes théoriques" nous livre cette autre réflexion : "Par un paradoxe caractéristique des époques finissantes, ce sont les seigneurs du moment qui accélèrent eux-mêmes le processus de la décomposition, dont on reconnaît les étapes aux seuils de corruption du langage enfoncés l’un après l’autre."
Il résulte de tant de contradictions et de non-dits qu'on assiste à des réunions #NuitDebout où le débat est fondamentalement désorganisé sur le plan logique. Si en théorie la parole est formellement libre et organisée, ce n'est qu'une apparence trompeuse. Ce qui s'organise c'est l'interdiction de l'expression de toute objection fondamentale, c'est à dire de celles qui dénonceraient et mettraient en lumière les contradictions et autres incohérences, telles celles que nous venons d'évoquer. Toute intervention "non-radicale" qui temporiserait les positions extrémistes affichées par les "gentils organisateurs" ou qui insisterait sur la nécessité d'une souveraineté nationale comme moyen et fin d'un consensus politique démocratique, par exemple doivent être bannies au même motif de "fascisme" que celles d'autres provocateurs. Cette "chasse au facho" semble scénarisée sur le modèle du théatre de Guignol lorsque le marionnettiste demande aux enfants d'alerter lorsqu'ils voient passer la marionnette du gendarme! Or les apparences peuvent être trompeuses, le "fascisme" n'est pas toujours chez celui qu'on accuse gratuitement et la supercherie pourrait être dévoilée sur le point précis de la position supra-nationaliste et "euro-fasciste" [20] des organisateurs de #NuitDebout...
On voit la manipulation des leaders qui par l'effet d'une dialectique déconstruite, erratique, paradoxale, privent la masse d'arguments fiables, d'un discours cohérent qui imposerait de lui-même des conclusions d'unanimité. Cette interruption de la pensée et l'impossibilité d'une synthèse qui découlerait d'une analyse politique cohérente permet un résultat qui semble attendu par la clique autour de Lordon. D'une part on assiste à des débats "éclatés" où chaque commission discute dans "une voie de garage" stérile de ses affaires. D'autre part se greffent des excités ou provocateurs qui n'attendent qu'une confrontation avec les forces de l'ordre ou l'occasion de s'en prendre aux symboles de l'Etat-Nation. Sur le plan général on voit bien se dessiner les contours d'une manipulation de la "rage". Les désordres que l'on observe ensuite n'expriment que ce néant moral et philosophique, cette absence de canalisation par une parole vraiment libre, cette non-verbalisation des problématiques que nous venons de démontrer. Avec des motifs identifiés, justifiables ce mouvement se défendrait par la raison elle-même. Par défaut seuls la radicalisation, le désordre gratuit serviront d'alibi irrationnel. Ce qui permet de créer une double divergence, soit vers des conciliabules 'atopiques' (sans objet ni lieu), soit le désordre d'une rage infantile et la vaine agitation. Attitude infantile et irresponsable qui appelle une réaction transactionnelle symétrique d'ordre tyranique et répressif. Les réunions #NuitDebout qui partent à la base d'une belle idée démocratique, ne servent plus que de prétexte, de point de fixation, de noyau de cristalisation d'initiatives extrémistes et dangeureuses. Ce que l'on cherche c'est manifestement la déstabilisation du pays par une stratégie critique d'éclatement du consensus national. Un objectif qui semble coincider judicieusement avec ceux du gouvernement Valls et des autorités européennes. Belle convergence des luttes!
Enfin concluons par cette citation de Richelieu, admirable ministre d'Etat de Louis XIII : "[...] bien qu'au cours des affaires ordinaires la justice requière une preuve authentique, il n'en est pas de même en celles qui concernent l'Etat, puisqu'en tel cas, ce qui paraît par des conjectures pressantes doit quelquefois être tenu pour suffisamment éclairci [...] Il ne faut pas croire qu'on puisse avoir des preuves mathématiques des conspirations et des cabales : elles ne se connaissent ainsi que par l'évènement, lorsqu'elles ne sont plus capables de remèdes. Il les faut donc toujours prévoir par de fortes conjectures, et prévenir par prompts remèdes." [21]
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Notes
[1] voir. Réflexions sur la « colinéarisation des conatus » (Frédéric Lordon) dans les stratégies de sauvegarde de l’Euro
[2] On note P. ex. :
- "L’entreprise d’aujourd’hui voudrait des oranges mécaniques, c’est-à-dire des sujets qui, d’eux-mêmes, s’efforcent selon ses normes, et comme elle est (néo)libérale, elle les voudrait libres en plus de mécaniques – mécaniques pour la certitude fonctionnelle, et libres à la fois pour la beauté idéologique de la chose mais aussi considérant que le libre arbitre est en définitive le
plus sûr principe de l’action sans réserve, c’est-à-dire de la puissance d’agir livrée entièrement. Comme on sait, le constructivisme de la spontanéité et le façonnage des libres arbitres sont des entreprises profondément aporétiques, par là vouées soit à rendre les sujets fous, soit à leur imposer une violence symbolique à un degré dont on dit ici qu’il peut être qualifié de totalitaire"
- "Tous n’en sont pas moins des patrons, captateurs de l’effort (conatus) de leurs subordonnés, enrôlés au service du désir patronal"
- "le capitalisme pourrait bien se mettre en danger lui-même de poursuivre jusqu’au bout un rêve de mobilisation productive fondamentalement porteur de son principe antagoniste : la liberté créative, la liberté collaborative et la rétivité à la direction hiérarchique telle que, d’ailleurs, elle détermine nécessairement l’organisation collective du travail sur une base délibérative-démocratique – soit le communisme réalisé".
[3] "Le point est que Lordon accorde une place centrale aux modélisations théoriques ainsi qu’à leurs concepteurs, les intellectuels. Ainsi, s’agissant de l’impasse européenne actuelle, il faudrait en chercher la cause dans l’application de cette « construction symbolique de longue période » qu’est l’ordo-libéralisme allemand. L’auteur ajoute ici les linéaments d’une explication historico-culturaliste : il y aurait une préférence allemande pour la stabilité monétaire qui serait consécutive au traumatisme de l’hyperinflation d’avant-guerre. « Le peuple allemand vit à sa manière la chose monétaire », affirme ainsi l’ethnologue Lordon. Bref : le blocage actuel provient de cette spécificité allemande « de ne pas vouloir voir enfreintes les règles auxquelles ils tiennent par-dessus tout ». L’intransigeance teutonne, en un mot. Certains pourraient contester que ce qui ressemble furieusement à un stéréotype se trouve hissé au rang de causalité scientifique. Incontestablement, l’auteur accorde aux constructions idéologiques une grande importance explicative. La période actuelle serait par exemple caractérisée par « l’effacement historique » de « l’économicisme ». Tout se passe comme si les enjeux du monde contemporain pouvaient se réduire chez Lordon à des étourderies d’économistes qui ont inversé l’ordre des facteurs."
[4] Du Contrat social, J-J. Rousseau, 1762
[5] Clarté F. Lordon 26 août 2015
[6] "Élément de l'État constitué par le groupement des individus fixé sur un territoire déterminé et soumis à l'autorité d'un même gouvernement. La nation est la substance humaine de l'État" (Cap. 1936)
[7] L. Duguit,Traité de dr. constit., t.1, 1927
[8] Le Tiers embrasse donc tout ce qui appartient à la nation ; et tout ce qui n'est pas le Tiers ne peut pas se regarder comme étant de la nation (Sieyès)
[9] Scribe, Bertrand, 1833, i, 6, p.134
[10] François Mauriac Les cahiers noirs, Éditions de Minuit, 1943
[11] Nous ne revendiquons rien, F. Lordon, 29 mars 2016
[12] Voir. « Printemps républicain » : le rappel à l’ordre de la bourgeoisie jacobine
[13] Les termes de République, Etat et Nation se retrouvent associés dans la synthése philosophique du XVIIe siècle. Avec l'aide de ses théologiens et juristes la monarchie a théorisé la notion de deuxième corps du Roi, cette personalité morale qui le pose légitime souverain dans son Etat, administrateur de la Justice, défenseur de la Religion et gardien de l'ordre social. Sur une periode importante elle a permis la stabilité politique et sociale en dépit de multiples révoltes où s'associent la bourgeoisie parlementaire et la haute féodalité. Deux classes puissantes, désireuses de secouer le joug de l'autorité royale et de s'accaparer du pouvoir d'Etat. L'idée de République transmise depuis l'Antiquité par la tradition italienne et l'indépendance hollandaise, renouvelle l'opportunité aux ennemis du Souverain de faire miroiter la perspective de salutaires "libertés publiques" sous un gouvernement de gentilshommes-marchands.
[14] Ier principe primordial de la déclaration relatif à la souveraineté nationale : « Les Etats participants respectent mutuellement leur égalité souveraine et leur individualité ainsi que tous les droits inhérents à leur souveraineté et englobés dans celle-ci, y compris,
en particulier, le droit de chaque Etat à l’égalité juridique, à l’intégrité territoriale, à la liberté et à l’indépendance politique. Ils respectent aussi le droit de chacun d’entre eux de choisir et de développer librement son système politique, social, économique et culturel ainsi que celui de déterminer ses lois et ses règlements. » VI Principe primordial de Non-intervention dans les affaires intérieures : « Les Etats participants s’abstiennent de toute intervention, directe ou indirecte, individuelle ou collective, dans les affaires intérieures ou extérieures relevant de la compétence nationale d’un autre Etat participant, quelles que soient leurs relations mutuelles. Ils s’abstiennent en conséquence de toute forme d’intervention armée ou de la menace d’une telle intervention contre un autre Etat participant. Ils s’abstiennent de même, en toutes circonstances, de tout autre acte de contrainte militaire ou politique, économique ou autre, visant à subordonner à leur propre intérêt l’exercice par un autre Etat participant des droits inhérents â sa souveraineté et à obtenir ainsi un avantage quelconque. Ils s’abstiennent en conséquence, entre autres, d’aider directement ou indirectement des activités terroristes ou des activités subversives ou autres visant au renversement violent du régime d’un autre Etat participant. » Accord final d'Helsinki, 1975.
[15] voir : L’Européisme a-t-il eu raison de l’Europe ? Emission France-Culture (9/04/14) que l’on peut aussi écouter ici. Lire aussi L'illusion Fréderic Lordon : les sophismes d'un euro-fédéraliste, avril 2014
[16] L'art. 2 du traité Atlantique Nord pose l'obligation de convergence des "politiques économiques" et de collaboration économique multilatérale : "Les parties contribueront au développement de relations internationales pacifiques et amicales en renforçant leurs libres institutions, en assurant une meilleure compréhension des principes sur lesquels ces institutions sont fondées et en développant les conditions propres à assurer la stabilité et le bien-être. Elles s'efforceront d'éliminer toute opposition dans leurs politiques économiques internationales et encourageront la collaboration économique entre chacune d'entre elles ou entre toutes."
[17] Le tournant a eu lieu dans les Balkans, prudemment en Bosnie du temps d’Helmut Kohl, mais surtout au Kosovo avec la coalition rouge-verte. Le ministre des Affaires étrangères Joschka Fischer a convaincu en 1999 ses amis écologistes et pacifistes que la défense des droits de l’homme pouvait passer, en dernier ressort, par le recours à la force. v. L'armée allemande regarde enfin ailleurs
[18] Paradoxe : l’homme qu’Angela Merkel a choisi pour devenir, à partir du lundi 27 juillet, ambassadeur d’Allemagne à Paris n’a eu de cesse de passer par-dessus la tête des ambassadeurs. Jusqu’au 30 juin, Nikolaus Meyer-Landrut était en effet le « directeur du département 5 » de la chancellerie, comme disent les initiés. En clair, le conseiller Europe d’Angela Merkel. Le haut-fonctionnaire qui, depuis 2011, a préparé et a participé à tous les sommets européens ainsi qu’aux innombrables rencontres bilatérales entre sa chef et ses vingt-sept homologues. Le nouvel ambassadeur allemand à Paris, francophile mais intraitable
[19] Voir. Plan A, plan B ? Plan C !, octobre 2015 : "Contre la tentation des clopinettes, qui se contentera d’un bout d’allègement de dette par-ci ou d’une détente temporaire de contrainte budgétaire par-là, le « plan A-plan B » ne peut donc avoir d’autre objectif que maximal : la déconstitutionnalisation et la repolitisation intégrales de toutes les questions de politique économique. Objectif « maximal » au regard seulement des démissions politiques de la gauche en matière européenne, dont la mesure se trouve ainsi donnée, quand il s’agit en réalité de l’objectif minimal de toute démocratie digne de ce nom : qu’il soit permis aux instances représentatives de discuter et de rediscuter de tout, tout le temps. Spécialement des contenus de politique économique, dont il est inconcevable qu’ils aient été soustraits à la délibération politique ordinaire, et qui doivent impérativement, et intégralement, lui être rendus. Mais la délibération de qui au juste ? Celle d’un parlement de l’eurozone, normalement. Sauf qu’il n’existe pas. Qu’à cela ne tienne, répondent certains : un objectif exigeant, doublé d’une sortie par le haut, en voilà un ! Le pouvoir d’enchantement des « sorties par le haut » est cependant parfois tel qu’il en désarme toute analyse critique de leurs conditions de possibilité. Il ne faut donc pas craindre de répéter qu’un parlement de l’eurozone n’aurait de chance de voir le jour qu’à la condition expresse de poser très explicitement les deux questions suivantes : 1) l’Allemagne accepterait-elle que toutes les dispositions économiques et monétaires actuellement sanctuarisées dans les traités soient remises à la délibération parlementaire ordinaire ; et 2) l’Allemagne accepterait-elle d’être mise en minorité – puisque telle est la loi de la démocratie délibérative – sur l’une ou l’autre de ces dispositions, au hasard l’indépendance de la banque centrale, l’autorisation du financement monétaire des déficits publics, ou la suppression de la contrainte a priori des 3% ? [...] Jamais l’Allemagne ne courra le risque d’une « reparlementarisation », d’une « redémocratisation de la monnaie » qui pourrait mettre en minorité ses sacro-saints principes – à plus forte raison dans la période actuelle."
[20] Invité dans l’émission "Ce soir (ou jamais !)" (France 3) du 14 février dernier, Emmanuel Todd a déclaré, à propos de l’impopularité du plan de rigueur adopté la veille par le Parlement grec : « (…) quand même, ce qui est important dans le moment historique actuel, c’est de voir l’Europe changer de nature : c’était une association de démocraties, c’est devenu un système de prélèvement du surplus de manière autoritaire par la Banque centrale ; ça s’est transformé en système hiérarchique avec l’Allemagne à la tête et son brillant second, la France ; et, en vérité, ça devient un système qui détruit la démocratie ! Je veux dire : ce qui se passe actuellement en Grèce, c’est la destruction de la démocratie par l’Europe. Et comme le mécanisme est très général, comme le processus de destruction se fait – comme dans la naissance du fascisme et du nazisme en fait, au-delà de l’agitation populaire, etc. – par en haut… Je veux dire : c’est un complot des élites ! – je dois être un complotiste dans un sens –, un complot des élites. Je pense qu’on peut commencer à spéculer sur l’intérêt du concept d’"eurofascisme" ».
[21] Richelieu : L'aigle et la colombe, A. Teyssier, Perrin 2014
[2] On note P. ex. :
- "L’entreprise d’aujourd’hui voudrait des oranges mécaniques, c’est-à-dire des sujets qui, d’eux-mêmes, s’efforcent selon ses normes, et comme elle est (néo)libérale, elle les voudrait libres en plus de mécaniques – mécaniques pour la certitude fonctionnelle, et libres à la fois pour la beauté idéologique de la chose mais aussi considérant que le libre arbitre est en définitive le
plus sûr principe de l’action sans réserve, c’est-à-dire de la puissance d’agir livrée entièrement. Comme on sait, le constructivisme de la spontanéité et le façonnage des libres arbitres sont des entreprises profondément aporétiques, par là vouées soit à rendre les sujets fous, soit à leur imposer une violence symbolique à un degré dont on dit ici qu’il peut être qualifié de totalitaire"
- "Tous n’en sont pas moins des patrons, captateurs de l’effort (conatus) de leurs subordonnés, enrôlés au service du désir patronal"
- "le capitalisme pourrait bien se mettre en danger lui-même de poursuivre jusqu’au bout un rêve de mobilisation productive fondamentalement porteur de son principe antagoniste : la liberté créative, la liberté collaborative et la rétivité à la direction hiérarchique telle que, d’ailleurs, elle détermine nécessairement l’organisation collective du travail sur une base délibérative-démocratique – soit le communisme réalisé".
[3] "Le point est que Lordon accorde une place centrale aux modélisations théoriques ainsi qu’à leurs concepteurs, les intellectuels. Ainsi, s’agissant de l’impasse européenne actuelle, il faudrait en chercher la cause dans l’application de cette « construction symbolique de longue période » qu’est l’ordo-libéralisme allemand. L’auteur ajoute ici les linéaments d’une explication historico-culturaliste : il y aurait une préférence allemande pour la stabilité monétaire qui serait consécutive au traumatisme de l’hyperinflation d’avant-guerre. « Le peuple allemand vit à sa manière la chose monétaire », affirme ainsi l’ethnologue Lordon. Bref : le blocage actuel provient de cette spécificité allemande « de ne pas vouloir voir enfreintes les règles auxquelles ils tiennent par-dessus tout ». L’intransigeance teutonne, en un mot. Certains pourraient contester que ce qui ressemble furieusement à un stéréotype se trouve hissé au rang de causalité scientifique. Incontestablement, l’auteur accorde aux constructions idéologiques une grande importance explicative. La période actuelle serait par exemple caractérisée par « l’effacement historique » de « l’économicisme ». Tout se passe comme si les enjeux du monde contemporain pouvaient se réduire chez Lordon à des étourderies d’économistes qui ont inversé l’ordre des facteurs."
[4] Du Contrat social, J-J. Rousseau, 1762
[5] Clarté F. Lordon 26 août 2015
[6] "Élément de l'État constitué par le groupement des individus fixé sur un territoire déterminé et soumis à l'autorité d'un même gouvernement. La nation est la substance humaine de l'État" (Cap. 1936)
[7] L. Duguit,Traité de dr. constit., t.1, 1927
[8] Le Tiers embrasse donc tout ce qui appartient à la nation ; et tout ce qui n'est pas le Tiers ne peut pas se regarder comme étant de la nation (Sieyès)
[9] Scribe, Bertrand, 1833, i, 6, p.134
[10] François Mauriac Les cahiers noirs, Éditions de Minuit, 1943
[11] Nous ne revendiquons rien, F. Lordon, 29 mars 2016
[12] Voir. « Printemps républicain » : le rappel à l’ordre de la bourgeoisie jacobine
[13] Les termes de République, Etat et Nation se retrouvent associés dans la synthése philosophique du XVIIe siècle. Avec l'aide de ses théologiens et juristes la monarchie a théorisé la notion de deuxième corps du Roi, cette personalité morale qui le pose légitime souverain dans son Etat, administrateur de la Justice, défenseur de la Religion et gardien de l'ordre social. Sur une periode importante elle a permis la stabilité politique et sociale en dépit de multiples révoltes où s'associent la bourgeoisie parlementaire et la haute féodalité. Deux classes puissantes, désireuses de secouer le joug de l'autorité royale et de s'accaparer du pouvoir d'Etat. L'idée de République transmise depuis l'Antiquité par la tradition italienne et l'indépendance hollandaise, renouvelle l'opportunité aux ennemis du Souverain de faire miroiter la perspective de salutaires "libertés publiques" sous un gouvernement de gentilshommes-marchands.
[14] Ier principe primordial de la déclaration relatif à la souveraineté nationale : « Les Etats participants respectent mutuellement leur égalité souveraine et leur individualité ainsi que tous les droits inhérents à leur souveraineté et englobés dans celle-ci, y compris,
en particulier, le droit de chaque Etat à l’égalité juridique, à l’intégrité territoriale, à la liberté et à l’indépendance politique. Ils respectent aussi le droit de chacun d’entre eux de choisir et de développer librement son système politique, social, économique et culturel ainsi que celui de déterminer ses lois et ses règlements. » VI Principe primordial de Non-intervention dans les affaires intérieures : « Les Etats participants s’abstiennent de toute intervention, directe ou indirecte, individuelle ou collective, dans les affaires intérieures ou extérieures relevant de la compétence nationale d’un autre Etat participant, quelles que soient leurs relations mutuelles. Ils s’abstiennent en conséquence de toute forme d’intervention armée ou de la menace d’une telle intervention contre un autre Etat participant. Ils s’abstiennent de même, en toutes circonstances, de tout autre acte de contrainte militaire ou politique, économique ou autre, visant à subordonner à leur propre intérêt l’exercice par un autre Etat participant des droits inhérents â sa souveraineté et à obtenir ainsi un avantage quelconque. Ils s’abstiennent en conséquence, entre autres, d’aider directement ou indirectement des activités terroristes ou des activités subversives ou autres visant au renversement violent du régime d’un autre Etat participant. » Accord final d'Helsinki, 1975.
[15] voir : L’Européisme a-t-il eu raison de l’Europe ? Emission France-Culture (9/04/14) que l’on peut aussi écouter ici. Lire aussi L'illusion Fréderic Lordon : les sophismes d'un euro-fédéraliste, avril 2014
[16] L'art. 2 du traité Atlantique Nord pose l'obligation de convergence des "politiques économiques" et de collaboration économique multilatérale : "Les parties contribueront au développement de relations internationales pacifiques et amicales en renforçant leurs libres institutions, en assurant une meilleure compréhension des principes sur lesquels ces institutions sont fondées et en développant les conditions propres à assurer la stabilité et le bien-être. Elles s'efforceront d'éliminer toute opposition dans leurs politiques économiques internationales et encourageront la collaboration économique entre chacune d'entre elles ou entre toutes."
[17] Le tournant a eu lieu dans les Balkans, prudemment en Bosnie du temps d’Helmut Kohl, mais surtout au Kosovo avec la coalition rouge-verte. Le ministre des Affaires étrangères Joschka Fischer a convaincu en 1999 ses amis écologistes et pacifistes que la défense des droits de l’homme pouvait passer, en dernier ressort, par le recours à la force. v. L'armée allemande regarde enfin ailleurs
[18] Paradoxe : l’homme qu’Angela Merkel a choisi pour devenir, à partir du lundi 27 juillet, ambassadeur d’Allemagne à Paris n’a eu de cesse de passer par-dessus la tête des ambassadeurs. Jusqu’au 30 juin, Nikolaus Meyer-Landrut était en effet le « directeur du département 5 » de la chancellerie, comme disent les initiés. En clair, le conseiller Europe d’Angela Merkel. Le haut-fonctionnaire qui, depuis 2011, a préparé et a participé à tous les sommets européens ainsi qu’aux innombrables rencontres bilatérales entre sa chef et ses vingt-sept homologues. Le nouvel ambassadeur allemand à Paris, francophile mais intraitable
[19] Voir. Plan A, plan B ? Plan C !, octobre 2015 : "Contre la tentation des clopinettes, qui se contentera d’un bout d’allègement de dette par-ci ou d’une détente temporaire de contrainte budgétaire par-là, le « plan A-plan B » ne peut donc avoir d’autre objectif que maximal : la déconstitutionnalisation et la repolitisation intégrales de toutes les questions de politique économique. Objectif « maximal » au regard seulement des démissions politiques de la gauche en matière européenne, dont la mesure se trouve ainsi donnée, quand il s’agit en réalité de l’objectif minimal de toute démocratie digne de ce nom : qu’il soit permis aux instances représentatives de discuter et de rediscuter de tout, tout le temps. Spécialement des contenus de politique économique, dont il est inconcevable qu’ils aient été soustraits à la délibération politique ordinaire, et qui doivent impérativement, et intégralement, lui être rendus. Mais la délibération de qui au juste ? Celle d’un parlement de l’eurozone, normalement. Sauf qu’il n’existe pas. Qu’à cela ne tienne, répondent certains : un objectif exigeant, doublé d’une sortie par le haut, en voilà un ! Le pouvoir d’enchantement des « sorties par le haut » est cependant parfois tel qu’il en désarme toute analyse critique de leurs conditions de possibilité. Il ne faut donc pas craindre de répéter qu’un parlement de l’eurozone n’aurait de chance de voir le jour qu’à la condition expresse de poser très explicitement les deux questions suivantes : 1) l’Allemagne accepterait-elle que toutes les dispositions économiques et monétaires actuellement sanctuarisées dans les traités soient remises à la délibération parlementaire ordinaire ; et 2) l’Allemagne accepterait-elle d’être mise en minorité – puisque telle est la loi de la démocratie délibérative – sur l’une ou l’autre de ces dispositions, au hasard l’indépendance de la banque centrale, l’autorisation du financement monétaire des déficits publics, ou la suppression de la contrainte a priori des 3% ? [...] Jamais l’Allemagne ne courra le risque d’une « reparlementarisation », d’une « redémocratisation de la monnaie » qui pourrait mettre en minorité ses sacro-saints principes – à plus forte raison dans la période actuelle."
[20] Invité dans l’émission "Ce soir (ou jamais !)" (France 3) du 14 février dernier, Emmanuel Todd a déclaré, à propos de l’impopularité du plan de rigueur adopté la veille par le Parlement grec : « (…) quand même, ce qui est important dans le moment historique actuel, c’est de voir l’Europe changer de nature : c’était une association de démocraties, c’est devenu un système de prélèvement du surplus de manière autoritaire par la Banque centrale ; ça s’est transformé en système hiérarchique avec l’Allemagne à la tête et son brillant second, la France ; et, en vérité, ça devient un système qui détruit la démocratie ! Je veux dire : ce qui se passe actuellement en Grèce, c’est la destruction de la démocratie par l’Europe. Et comme le mécanisme est très général, comme le processus de destruction se fait – comme dans la naissance du fascisme et du nazisme en fait, au-delà de l’agitation populaire, etc. – par en haut… Je veux dire : c’est un complot des élites ! – je dois être un complotiste dans un sens –, un complot des élites. Je pense qu’on peut commencer à spéculer sur l’intérêt du concept d’"eurofascisme" ».
[21] Richelieu : L'aigle et la colombe, A. Teyssier, Perrin 2014
02 septembre 2015
Brève réponse à Nathanael Uhl et à son article "non-polémique" intitulé : "A gauche, le dangereux leurre de la souveraineté nationale"
Sérieusement ce texte ne répond pas à la problématique posée. Après celui où tu
sembles t'amuser à rouler Jacques Sapir dans la boue, nous avons
droit ici à une construction rhétorique des plus improbables. Je
suppose que l'effort de redresser une logique si défaillante s'avère à
ce stade inutile. Mais pourquoi ne pas tenter d'eveiller le sens
critique et le courage politique de quelques lecteurs qui auront le
loisir de suivre cette polémique?
Le premier problème
de ce propos est de prendre l'échec de Syriza comme argument pour
démontrer "l'illusion" du principe de souveraineté et
d'indépendance nationale.
Je cite par exemple
: "l’Union européenne est, dans sa construction politique
actuelle – c’est-à-dire dans un rapport de forces politique
donné – une machine politique à broyer les peuples. Le nier
serait se voiler les yeux. Mais est-ce que le retour au cadre
national et à la souveraineté nationale n’est pas une illusion
mortifère de plus ? L’exemple grec aurait tendance à faire
répondre par l’affirmative."
Que je sache
personne à Syriza n'a écrit, ni proposé de rétablir la
souveraineté de la Grèce, ni avant les élections, ni après la
victoire électorale des législatives, ni avant le référendum de
juillet. Où verrait-on que ce projet de "retour au cadre
national" fut ici "une illusion" puisqu'il n'a
été ni évoqué par le gouvernement Tsipras, ni même - et pour
cause - été l'objet d'une tentative d'application ?
Poser l'échec de
Syriza comme l'échec du "retour à la souveraineté nationale"
serait une belle réussite (pour ceux qui, comme l'auteur, prétendent
en démontrer l'impasse) mais faute d'éléments concrets, on reste
dans la politique-fiction et la manipulation.
Julien, un commentateur qui ne
partage pas ce point de vue, évoque avec raison le cas de l'Islande
et prend le contrepied de ce pseudo-raisonnement en disant :
"L’exemple islandais (toute proportion gardée) montre qu’on
peut, même en étant petit face à un gros, prendre des décisions
radicales et bien s’en sortir."
Cette position (à
la fois celle de l'Islande et de Julien) illustre pour moi ce que
l'on appelle : "le courage politique". Une attitude bien
rare à notre époque qui se prête si bien à toutes les connivences
privées de circonstances et toutes les renonciations publiques les plus opportunes.
A contrario on peut
citer cette citation tirée du même texte : "Laisser à croire
qu’un mouvement politique puisse permettre de changer la donne dans
le cadre de l’état nation est un mensonge."
Outre le fait que la Grèce n'illustre nullement cette affirmation péremptoire, puisque comme nous l'avons dit ni Tsipras, ni Syriza n'ont tenté de mettre en oeuvre ce projet ; il y a deux arguments tout aussi inutiles qui viennent s'ajouter :
Outre le fait que la Grèce n'illustre nullement cette affirmation péremptoire, puisque comme nous l'avons dit ni Tsipras, ni Syriza n'ont tenté de mettre en oeuvre ce projet ; il y a deux arguments tout aussi inutiles qui viennent s'ajouter :
1. Une citation
d'Antonio Negri, «l’erreur essentielle des gauches nationales a
été de ne pas comprendre que la mondialisation était un phénomène
irréversible». Comme si "la mondialisation" était
réellement -en elle-même- une fatalité cosmique. En fait rien de
tel. On sait bien désormais qu'il s'agit d'une stratégie des
milieux oligarchiques, proposée par une poignée d'économistes
universitaires tel John Williamson pour le "Consensus de
Washington", relayé par les agents US de la Banque Mondiale ou
du FMI et enclenché par les décisions ponctuelles de certains
gouvernements tels celui de Beregovoy en 91 de supprimer le contrôle
des changes. Prétendre ainsi qu'il s'agisse "d'un phénomène
irréversible" est ridicule à double titre. C'est premièrement
en méconnaitre les ressorts et donc se placer hors de capacité de
l'enrayer. Selon l'attitude d'un poisson rouge devant la fuite d'eau
de son aquarium. Ensuite c'est renoncer à la pensée elle-même car
identifier la mondialisation comme "un phénomène irréversible"
c'est renoncer à le comprendre et sous-estimer la capacité de la
raison humaine (Sans blague! On se croyrait déjà revenus au
Moyen-age). Or le premier mouvement d'une pensée rationnelle, après
avoir identifié l'origine d'un phénomène, c'est d'en mesurer la
reproductibilité. Sur ce point il ne faut pas faire de longs calculs
pour savoir qu'à une phase d'expansion de la finance et du commerce,
viendra une phase de contraction et d'épuisement du mouvement. La
crise de 2008 avait déjà mis un terme à la période de
"mondialisation heureuse" et les crises qui surviennent
ensuite ne font que déstabiliser et fragiliser ce système
soit-disant "irréversible". C'est un grave manquement de la
pensée socialiste (dans le sens premier du terme), à laquelle
l'auteur semble prétendre, de manquer ces analyses concrètes et
historiques. Manquement que l'on tente de palier en répetant par
citation des idioties.
2. Après l'argument
d'autorité nous avons droit à l'argument de majorité : "Ensuite,
le rapport des Français à l’Europe, pour ambigu qu’il soit,
témoigne d’une adhésion à l’Union." Et alors qu'est-ce
que ça prouve? Et si une majorité était favorable au nazisme et à
l'occupation, cela serait-il un argument pour nous priver de
rejoindre -en notre âme et conscience- la Résistance? Est-ce parce
qu'on a plus rien à proposer à l'avant-garde comme projet moral,
intellectuel et politique que l'on doit rejoindre le troupeau que
quelques politologues et statisticiens entrevoient entre la rivière
et la forêt? Est-ce celà "le cri du peuple"?! : "rejoignez
les médiocres dans l'aveuglement et l'inconsistance de la
réflexion !"
Ici il faudrait
encore pousser des portes ouvertes...
Expliquer que la liberté,
l'indépendance d'un peuple se mesure à la souveraineté de l'Etat
qu'il constitue et qui le soutient.
Expliquer encore qu'il n'y a pas
de démocratie sans souveraineté puisque sans elle, sans titre et
sans droit : aucune décision, aucun projet, nul programme - même
de progrès social - n'est possible.
Expliquer toujours que le projet
d'Union européenne est un leurre anti-démocratique, un leurre celui
d'une "Europe sociale" que les socialistes (dont Mélenchon)
nous ont promis-juré l'avènement dés la ratification de
Maastricht en 1991, du TCE de 2005...
Mais à quoi bon ? Le simple fait de
réflechir posément sur ces questions ne suffit-il pas ? Est-il
vraiment nécessaire d'en débattre? Le principe de souveraineté ou d'indépendance ne se défend t-il pas de lui-même ?
Ne suffit-il pas simplement
d'un peu de courage et de lucidité et de se dire : "On y va? On
les oublie ces gens qui nous disent que plus rien n'est possible, plus aucun rêve
n'est utile ? On redevient des citoyens qui se font respecter? Hé
l'ami, pourquoi pas ? Hardi les volontaires!"
(Ce commentaire semble avoir été censuré sur le blog "le cri du peuple" proche d'une ligne euro-fédéraliste du PCF)
(Ce commentaire semble avoir été censuré sur le blog "le cri du peuple" proche d'une ligne euro-fédéraliste du PCF)
01 août 2015
Vive l’Economie politique avec M. Harribey!
Le Pr Harribey écrit dans un article du 23 juillet 2015 intitulé La nouvelle crise arrive : "Il existe aujourd’hui un excédent d’épargne privée dans le monde par rapport au flux monétaire qui irrigue les entreprises, dont la contrepartie est l’endettement".
N’aurait-il pas mieux fallut dire :
“[En contrepartie de l’endettement public], il existe aujourd’hui un excédent d’épargne privée dans le monde par rapport au flux monétaire qui irrigue [le cycle de production et d’échange interne]”. [1]
C'eut été décrire une séquence logique ET ouvrir un autre débat sur le monétarisme.
1. Une logique
L’endettement public provient du déficit entre recettes et dépenses publiques, du double fait des réductions fiscales pour les hauts revenus et de la perte de contrôle fiscale sur cette épargne.
On peut dire que cette perte de contrôle est causée :
2. Un débat
Il est pas difficile de relier ce déséquilibre de l’endettement public à la critique des règles monétaristes et ultra-libérales [2].
Pourtant M. Harribey se prive de cet argument et de cette rationalité analytique d’ordre systèmique. Il nous prive aussi du développement de cette question dans son raisonnement et ses conclusions.
Mais si nous censurons l’implication des thèses et pratiques monétaristes dans les causes de l’endettement public, comment alors en parler et comment y remédier?
Nous ne sommes pas naïfs au point d'ignorer une des raisons de ce silence. On sait bien qu'évoquer le régime monétariste de la sphère financière est un sujet tabou. Ne faudrait-il pas laisser croire que la finance ait toujours été organisée selon les règles monétaristes ?
Dénoncer les thèses de M. Friedmann, c'est aborder une phase de l'histoire économique qui a fait basculer un système où l'Etat avait un rôle déterminant à jouer en vue d'assurer le plein-emploi par la régulation des flux économiques. Dénoncer les thèses de Friedmann et leur application c'est y imputer les déficits publics, la désorganisation, la crise...
C'est là que se trouve le noeud de la question. Car parler d'un Etat régulateur, et de plus, menant un programme d'économie politique à finalité sociale : c'est faire du souverainisme. C'est dire que l'Etat pour être efficace et contrer ces fameux marchés financiers doit disposer des instruments de souveraineté. Des instruments liés à la politique monétaire bien sûr, mais aussi ceux de la politique commerciale, industrielle, financière (par la supervision et la distribution des moyens de l'épargne selon une stratégie publique d'investissement) et sociale. Bref tous ces moyens juridiques de la puissance publique qui selon les règles démocratiques peuvent contribuer à surmonter les crises et offrir des perspectives et des projets à l'ensemble de la population. Oui, nous parlons bien de tous ces leviers de l'action publique qui ont été subtilisés sur le plan national pour être encadrés sur le plan supra-national par le système européiste. Or les traités européens, le système monétaire européen appliquent concrètement ces thèses monétaristes qui elles nous conduisent à la crise.
N’en parlons donc pas.
3. Conclusion et autres escamotages
Une crise s'annonce depuis la Chine, dont ici personne ne serait responsable. "Une crise, ma bonne dame, rendez-vous compte! Quel choc, quelle calamité pour nous tous! Et croyez-moi madame Michu je suis professeur d'Economie Eh oui!"
Ne disons donc pas (à Mme Michu) que rétablir l’équilibre des cycles financiers et des cycles de production et d’échange interieurs passe par la réhabilitation du rôle régulateur de l’Etat-providence.
Quelle erreur ! Nous serions classés parmi "des régulationnistes (des parias issus du dirigisme bolchevique, non?), des souverainistes (des sous-parias qui sont pires puisqu'on y trouve des monarchistes vendéens, des nationalistes d'extrème droite, etc.)". Ensuite nous nous retrouverions privés de certains autres avantages (dont les dispositions sur les conflits d'intérêt, la sécurité des données bancaires et des affaires ou la polémique sur la corruption des élites sociales ne nous permettent pas de développer le détail). Prenons plutôt pour cible ces "souverainistes" comme Jacques Sapir et entrainons-les dans un faux débat où ergoter sur une causalité incertaine [3].
Donc parlons d’autre chose…
Egarons nos lecteurs sur de fausses pistes. Tiens parlons de nobles idéaux alter-mondialistes, sans tenir compte bien sûr de mécanique monétariste ni de régulation d’économie politique. Parlons de “lutte écologique”, Voilà! Saupourons tout cela de “Serge Latouche proposant de sortir de l’économie in abstracto”, de Mohammed Taleb “qui l’insère dans la lutte des classes” et concluons sur “le dépassement des rapports sociaux capitalistes” et "pensons le comme une transition"…
Vive l’Economie politique avec Harribey! (que l’on préférait mieux avant). Cette rhétorique de l’esquive, de l’effacement nous laisse pantois et comme… atterrés!
---
[1] Toutefois la formule serait encore incorrecte. Il faudrait préciser que l'épargne investie en fonds de placement type OPCVM constitue une quasi monnaie et qu'elle se trouve largement investie dans une "dette monétaire" qui concerne une monnaie en circulation émise contre créance (sur la base juridique de l'Obligation d'Etat) et non plus sur encaisse. Processus qu'Harribey dénonce par ailleurs comme redistribution financière des pauvres vers les riches.
[2] Voir L’origine de la crise : le monétarisme et école de Chicago
[3] Voir Sortir de quoi? À propos de la discussion sur la sortie de l’euro proposée par Jacques Sapir J.-M Harribey 28 avril 2011 .pdf
N’aurait-il pas mieux fallut dire :
“[En contrepartie de l’endettement public], il existe aujourd’hui un excédent d’épargne privée dans le monde par rapport au flux monétaire qui irrigue [le cycle de production et d’échange interne]”. [1]
C'eut été décrire une séquence logique ET ouvrir un autre débat sur le monétarisme.
1. Une logique
L’endettement public provient du déficit entre recettes et dépenses publiques, du double fait des réductions fiscales pour les hauts revenus et de la perte de contrôle fiscale sur cette épargne.
On peut dire que cette perte de contrôle est causée :
- a) par la libre circulation des flux financiers (autorisée par les traités UE) ;
- b) la fin du contrôle des changes ;
- c) ceci contribuant à l’évasion fiscale.
- d) la réforme normative requalifiant ces fonds non plus en quasi-monnaie dans M3 mais en fonds de placement. Une pirouette qui fait disparaitre des “exécents financiers”, une épargne représentant des sommes collossales (qui vont alimenter la spéculation sur matières premières, devises, actifs industriels, etc.) des calculs.
- De plus e) la libre circulation des marchandises, hors toute considération de réciprocité commerciale ou de mécanisme d’équilibre par quotas sont des raisons suffisantes pour expliquer un déficit commercial et la contrepartie d’un “besoin de financement” qui aggrave le niveau d’endettement des ménages, des entreprises et de l’Etat.
2. Un débat
Il est pas difficile de relier ce déséquilibre de l’endettement public à la critique des règles monétaristes et ultra-libérales [2].
Pourtant M. Harribey se prive de cet argument et de cette rationalité analytique d’ordre systèmique. Il nous prive aussi du développement de cette question dans son raisonnement et ses conclusions.
Mais si nous censurons l’implication des thèses et pratiques monétaristes dans les causes de l’endettement public, comment alors en parler et comment y remédier?
Nous ne sommes pas naïfs au point d'ignorer une des raisons de ce silence. On sait bien qu'évoquer le régime monétariste de la sphère financière est un sujet tabou. Ne faudrait-il pas laisser croire que la finance ait toujours été organisée selon les règles monétaristes ?
Dénoncer les thèses de M. Friedmann, c'est aborder une phase de l'histoire économique qui a fait basculer un système où l'Etat avait un rôle déterminant à jouer en vue d'assurer le plein-emploi par la régulation des flux économiques. Dénoncer les thèses de Friedmann et leur application c'est y imputer les déficits publics, la désorganisation, la crise...
C'est là que se trouve le noeud de la question. Car parler d'un Etat régulateur, et de plus, menant un programme d'économie politique à finalité sociale : c'est faire du souverainisme. C'est dire que l'Etat pour être efficace et contrer ces fameux marchés financiers doit disposer des instruments de souveraineté. Des instruments liés à la politique monétaire bien sûr, mais aussi ceux de la politique commerciale, industrielle, financière (par la supervision et la distribution des moyens de l'épargne selon une stratégie publique d'investissement) et sociale. Bref tous ces moyens juridiques de la puissance publique qui selon les règles démocratiques peuvent contribuer à surmonter les crises et offrir des perspectives et des projets à l'ensemble de la population. Oui, nous parlons bien de tous ces leviers de l'action publique qui ont été subtilisés sur le plan national pour être encadrés sur le plan supra-national par le système européiste. Or les traités européens, le système monétaire européen appliquent concrètement ces thèses monétaristes qui elles nous conduisent à la crise.
N’en parlons donc pas.
3. Conclusion et autres escamotages
Une crise s'annonce depuis la Chine, dont ici personne ne serait responsable. "Une crise, ma bonne dame, rendez-vous compte! Quel choc, quelle calamité pour nous tous! Et croyez-moi madame Michu je suis professeur d'Economie Eh oui!"
Ne disons donc pas (à Mme Michu) que rétablir l’équilibre des cycles financiers et des cycles de production et d’échange interieurs passe par la réhabilitation du rôle régulateur de l’Etat-providence.
Quelle erreur ! Nous serions classés parmi "des régulationnistes (des parias issus du dirigisme bolchevique, non?), des souverainistes (des sous-parias qui sont pires puisqu'on y trouve des monarchistes vendéens, des nationalistes d'extrème droite, etc.)". Ensuite nous nous retrouverions privés de certains autres avantages (dont les dispositions sur les conflits d'intérêt, la sécurité des données bancaires et des affaires ou la polémique sur la corruption des élites sociales ne nous permettent pas de développer le détail). Prenons plutôt pour cible ces "souverainistes" comme Jacques Sapir et entrainons-les dans un faux débat où ergoter sur une causalité incertaine [3].
Donc parlons d’autre chose…
Egarons nos lecteurs sur de fausses pistes. Tiens parlons de nobles idéaux alter-mondialistes, sans tenir compte bien sûr de mécanique monétariste ni de régulation d’économie politique. Parlons de “lutte écologique”, Voilà! Saupourons tout cela de “Serge Latouche proposant de sortir de l’économie in abstracto”, de Mohammed Taleb “qui l’insère dans la lutte des classes” et concluons sur “le dépassement des rapports sociaux capitalistes” et "pensons le comme une transition"…
Vive l’Economie politique avec Harribey! (que l’on préférait mieux avant). Cette rhétorique de l’esquive, de l’effacement nous laisse pantois et comme… atterrés!
---
[1] Toutefois la formule serait encore incorrecte. Il faudrait préciser que l'épargne investie en fonds de placement type OPCVM constitue une quasi monnaie et qu'elle se trouve largement investie dans une "dette monétaire" qui concerne une monnaie en circulation émise contre créance (sur la base juridique de l'Obligation d'Etat) et non plus sur encaisse. Processus qu'Harribey dénonce par ailleurs comme redistribution financière des pauvres vers les riches.
[2] Voir L’origine de la crise : le monétarisme et école de Chicago
[3] Voir Sortir de quoi? À propos de la discussion sur la sortie de l’euro proposée par Jacques Sapir J.-M Harribey 28 avril 2011 .pdf
07 mars 2015
Ukraine : Hystérie occidentale et arbitrage défaillant de l'OSCE
Nous sommes tous surpris et inquiets du nouveau climat d'hostilité qui domine aujourd'hui les relations internationales.
Un vaste mouvement de contestation, déclenché après la suspension d'un accord d'association entre l'Ukraine et l'Union européenne, a provoqué la chute de son président Viktor Ianoukovytch, le 22 février 2014 et fait sombrer le pays dans la guerre civile.
Au sommet de Minsk du 11 février 2015, les dirigeants d'Ukraine, Russie, France et Allemagne ont convenu un ensemble de mesures visant à atténuer la guerre dans la région du Donbass.
Cependant, si le cesser-le-feu Minsk-2 semble respecté sur le terrain, c'est d'avantage sur le plan diplomatique que se poursuit la crise et l'escalade des provocations.
Alors que les Etats-Unis planifient l'acheminement de troupes et de matériel pour rétablir le dispositif militaire ukrainien bousculé par les forces des républiques de Donestk et Lugansk, un concert tonitruant d'accusations et de menaces s'élève à l'encontre de la Russie.
Dans cette confusion il y a une voix que l'on entend pas. Ou plutôt deux. D'abord celle de l'OSCE : Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe née depuis 1975 à la signature de l'Acte final d’Helsinki et ayant pour but de favoriser le dialogue et la négociation entre l’Est et l’Ouest. Ensuite celle de Ban Ki-Moon, secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies.
Un vaste mouvement de contestation, déclenché après la suspension d'un accord d'association entre l'Ukraine et l'Union européenne, a provoqué la chute de son président Viktor Ianoukovytch, le 22 février 2014 et fait sombrer le pays dans la guerre civile.
Au sommet de Minsk du 11 février 2015, les dirigeants d'Ukraine, Russie, France et Allemagne ont convenu un ensemble de mesures visant à atténuer la guerre dans la région du Donbass.
Cependant, si le cesser-le-feu Minsk-2 semble respecté sur le terrain, c'est d'avantage sur le plan diplomatique que se poursuit la crise et l'escalade des provocations.
Alors que les Etats-Unis planifient l'acheminement de troupes et de matériel pour rétablir le dispositif militaire ukrainien bousculé par les forces des républiques de Donestk et Lugansk, un concert tonitruant d'accusations et de menaces s'élève à l'encontre de la Russie.
Dans cette confusion il y a une voix que l'on entend pas. Ou plutôt deux. D'abord celle de l'OSCE : Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe née depuis 1975 à la signature de l'Acte final d’Helsinki et ayant pour but de favoriser le dialogue et la négociation entre l’Est et l’Ouest. Ensuite celle de Ban Ki-Moon, secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies.
Hystérie occidentale
Ce Mardi 3 Mars 2015 nous recevions cette nouvelle :
"Barack Obama, François Hollande et Angela Merkel ont promis mardi une « réaction forte » de l’Occident en cas de « rupture majeure » du cessez-le-feu dans l’Est rebelle prorusse de l’Ukraine et appelé à renforcer le rôle de l’OSCE pour surveiller cette trêve.
Cette position a été convenue à l’issue d’entretiens téléphoniques entre les présidents français et américain et la chancelière allemande, mais aussi avec les Premiers ministres britannique, David Cameron, italien Matteo Renzi et le président du Conseil européen, Donald Tusk, a annoncé l’Elysée.
« Ils sont convenus qu’une réaction forte de la communauté internationale serait nécessaire en cas de rupture majeure dans le processus de mise en œuvre » des accords de paix de Minsk 2 conclus le 12 février dans la capitale bélarusse, précise un communiqué de la présidence française.
Sans la mentionner directement, cette menace est clairement adressée à la Russie, accusée par Kiev et les Occidentaux d’armer les rebelles et de déployer des forces régulières en Ukraine" [1]
Pour résumer l'affaire il s'agit d'une déclaration conjointe de pays occidentaux souvent désignés comme "communauté internationale". Elle contient comme le souligne le journaliste "une menace clairement adressée à la Russie". Cette menace de "réaction forte" se trouve conditionnée au respect d'un cesser-le-feu entre des tiers, soit entre les forces armées du Donbass et les forces gouvernementales dont des milices indisciplinées et extrémistes.
Or, loin de considérer cet accord de cesser-le-feu pour ce qu'il est, c'est a dire une suspension des hostilités conditionnée par le respect d'engagements réciproques entre les forces en présence, donc relatif et fragile. On considère abusivement cette trève comme règlement définitif du conflit dont la violation engagerait la responsabilité unilatérale de la Russie. Mais que dire de la responsabilité de l'Ukraine, de la France ou de l'Allemagne qui y ont pourtant contribué et n'en sont ni plus, ni moins garants ?
Outre cette disposition abusive les dégageant de toute responsabilité en cas de reprise des hostilités et cette imputation a priori de la Russie à laquelle est liée une menace grave, ces pays "occidentaux" entendent "renforcer le rôle de l’OSCE pour surveiller cette trêve". C'est là que nous sommes curieux d'apprendre l'origine de cette démonstration d'une si haute tenue et dont la cohérence nous semble familière. Peut-être s'imagine t-on quelque part que l'OSCE doit se contenter de jouer le rôle subalterne d'observateur d'une stratégie de la tension et d'escalade ? Et ce sans s'écarter de sa mission fondamentale "de favoriser le dialogue et la négociation entre l’Est et l’Ouest" ?
L'arbitrage défaillant de l'OSCE
M. Lamberto Zannier, un diplomate italien, ancien réprésentant spécial pour les Nations-Unies au Kosovo entre juin 2008 et juin 2011, est actuellement Secrétaire Général de l'OSCE. Il répond aux questions de Judy Dempsey [2] une journaliste de Carnégie-Europe, fondation dédiée "à la coopération interétatique et à la promotion des intérêts des États-Unis sur la scène internationale" [3]. Il faut souligner ce passage.
Pour revenir à cette nouvelle : "l’Occident menace Moscou de « réaction forte » en cas de rupture de la trêve" ;
posons-nous une simple question. L'OSCE en tant qu'arbitre impartial
peut-il intervenir à ce moment pour interdire ces propos menaçants qui
franchissent un nouveau degré de gravité ? La réponse est aussi simple,
elle est inscrite noir sur blanc dans l'Acte final de la conférence
d'Helsinki, ainsi que dans la Charte des Nations-Unies :
C'est pourquoi nous sommes en droit d'attendre de l'OSCE une attitude plus responsable. En particulier une prise de position à l'encontre "de tout acte qui pourrait aggraver la situation au point de mettre en danger le maintien de la paix et de la sécurité internationales et rendre ainsi plus difficile le règlement pacifique du différend". Sont évidemment concernées à ce titre les options abusives consistant à empiller des trains de "sanctions" contre la Russie hors du cadre de légalité internationale et autre acheminement de forces vers l'Ukraine ou la frontière Russe.
Conclusion
Avec ce recul bien des illusions sont tombées et il est plus facile de comprendre ce propos de M. Poutine en 2007 :
N'est-il pas temps de revenir à l'essentiel des principes d'Helsinki -
avec ou sans OSCE -, de renouer avec la bonne foi, la cordialité
et la coopération loyale dans les relations internationales ?Ce Mardi 3 Mars 2015 nous recevions cette nouvelle :
"Barack Obama, François Hollande et Angela Merkel ont promis mardi une « réaction forte » de l’Occident en cas de « rupture majeure » du cessez-le-feu dans l’Est rebelle prorusse de l’Ukraine et appelé à renforcer le rôle de l’OSCE pour surveiller cette trêve.
Cette position a été convenue à l’issue d’entretiens téléphoniques entre les présidents français et américain et la chancelière allemande, mais aussi avec les Premiers ministres britannique, David Cameron, italien Matteo Renzi et le président du Conseil européen, Donald Tusk, a annoncé l’Elysée.
« Ils sont convenus qu’une réaction forte de la communauté internationale serait nécessaire en cas de rupture majeure dans le processus de mise en œuvre » des accords de paix de Minsk 2 conclus le 12 février dans la capitale bélarusse, précise un communiqué de la présidence française.
Sans la mentionner directement, cette menace est clairement adressée à la Russie, accusée par Kiev et les Occidentaux d’armer les rebelles et de déployer des forces régulières en Ukraine" [1]
Pour résumer l'affaire il s'agit d'une déclaration conjointe de pays occidentaux souvent désignés comme "communauté internationale". Elle contient comme le souligne le journaliste "une menace clairement adressée à la Russie". Cette menace de "réaction forte" se trouve conditionnée au respect d'un cesser-le-feu entre des tiers, soit entre les forces armées du Donbass et les forces gouvernementales dont des milices indisciplinées et extrémistes.
Or, loin de considérer cet accord de cesser-le-feu pour ce qu'il est, c'est a dire une suspension des hostilités conditionnée par le respect d'engagements réciproques entre les forces en présence, donc relatif et fragile. On considère abusivement cette trève comme règlement définitif du conflit dont la violation engagerait la responsabilité unilatérale de la Russie. Mais que dire de la responsabilité de l'Ukraine, de la France ou de l'Allemagne qui y ont pourtant contribué et n'en sont ni plus, ni moins garants ?
Outre cette disposition abusive les dégageant de toute responsabilité en cas de reprise des hostilités et cette imputation a priori de la Russie à laquelle est liée une menace grave, ces pays "occidentaux" entendent "renforcer le rôle de l’OSCE pour surveiller cette trêve". C'est là que nous sommes curieux d'apprendre l'origine de cette démonstration d'une si haute tenue et dont la cohérence nous semble familière. Peut-être s'imagine t-on quelque part que l'OSCE doit se contenter de jouer le rôle subalterne d'observateur d'une stratégie de la tension et d'escalade ? Et ce sans s'écarter de sa mission fondamentale "de favoriser le dialogue et la négociation entre l’Est et l’Ouest" ?
L'arbitrage défaillant de l'OSCE
M. Lamberto Zannier, un diplomate italien, ancien réprésentant spécial pour les Nations-Unies au Kosovo entre juin 2008 et juin 2011, est actuellement Secrétaire Général de l'OSCE. Il répond aux questions de Judy Dempsey [2] une journaliste de Carnégie-Europe, fondation dédiée "à la coopération interétatique et à la promotion des intérêts des États-Unis sur la scène internationale" [3]. Il faut souligner ce passage.
Question : "Comment est l'ambiance à l'intérieur de l'Organisation (OSCE) ? Réponse : Il n'y a aucun doute de la part des pays membres orientaux ou occidentaux pour renouveler le mandat de surveillance de l'OSCE. Je pense que tout le monde soutient le rôle de l'organisation. Mais l'atmosphère à Vienne, siège de l'OSCE — reste compliquée. C'est lourd et tendu."Dans l'ensemble cet entretien n'a qu'un intérêt limité. Il est pourtant révélateur d'un certain climat d'oppression. Ceci transpire jusque dans cet échange, tant par les questions biaisées que les réponses insignifiantes. Par exemple la journaliste fait allusion à une "invasion de l'Ukraine orientale" sans que son interlocuteur ne signale un évènement non-vérifié, une information contraire aux rapports des observateurs OSCE sur le terrain depuis 2014. Comment s'étonner du titre "Mission quasi-impossible de l'OSCE en Ukraine" quand le Secretaire-Général de l'OSCE n'ose plus contredire une simple employée de Carnégie-Europe ? Comment trouver une issue à ce conflit lorsque l'instance d'arbitrage OSCE ne joue plus son rôle et semble paralysée par des considérations étrangères aux principes du droit international ?
« Les Etats participants s’abstiennent dans leurs relations mutuelles, ainsi que dans leurs relations internationales en général, de recourir à la menace [...]. Aucune considération ne peut être invoquée pour servir à justifier le recours à la menace [...] en violation de ce principe. »L'utilité de ces articles est manifeste. Leur respect devrait être aussi scrupuleusement observé et leur violation être aussi fermement condamnée par l'OSCE ou l'ONU que l'infraction de n'importe laquelle des autres règles du droit international. En effet le règlement pacifique des différents exige un climat d'entente et de respect mutuel incompatible avec l'usage destructeur d'accusations infondées, de chantages, ultimatum, "ligne rouge" et autres menaces. Il s'agit d'ailleurs d'un autre principe primordial inscrit dans l'Acte final d'Helsinki :
Deuxième principe primordial « Non-recours à la menace ou à l’emploi de la force » Helsinki 1975 [/strong]
« Les Membres de l'Organisation s'abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l'emploi de la force, soit contre l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique de tout État, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies. »
Article 2.4 Charte des Nations-Unies 1945 [4]
Il résulte de ces quelques éléments que le réglement de la crise ukrainienne est une question plus vaste que celle du simple respect d'un cesser-le-feu ou de l'envoi d'un nombre supplémentaire d'observateurs [5]. Se focaliser sur ces questions est une erreur et n'aboutirait qu'à un enlisement du conflit ou à créer une zone de tension permanente. En rester là ne ferait encore qu'affaiblir la mission généraliste de l'OSCE d'instance de dialogue Est-Ouest fonctionnant sur le mode du consensus. Au lieu de maintenir cette institution dans son rôle premier de veiller à l'application de tous les principes d'Helsinki on avalise son abaissement dans un rôle d'agent subalterne.Les Etats participants règlent les différends entre eux par des moyens pacifiques demanière à ne pas mettre en danger la paix et la sécurité internationales et la justice.Ils s'efforcent, de bonne foi et dans un esprit de coopération, d'aboutir à une solution rapide et équitable, sur la base du droit international.A cette fin, ils ont recours à des moyens telsque la négociation, l'enquête, la médiation, la conciliation, l'arbitrage, le règlement judiciaire ou à d'autres moyens pacifiques de leur choix, y compris toute procédure de règlement convenue préalablement aux différends auxquels ils sont parties.
Au cas où elles ne parviennent pas à une solution par l'un des moyens pacifiques ci-dessus, les parties à un différend continuent de rechercher un moyen, convenu mutuellement, de résoudre pacifiquement le différend.Les Etats participants, parties à un différend entre eux, ainsi que les autres Etats participants, s'abstiennent de tout acte qui pourrait aggraver la situation au point de mettre en danger le maintien de la paix et de la sécurité internationales et rendre ainsi plus difficile le règlement pacifique du différend.Principe primordial V. Règlement pacifique des différends Helsinki 1975
C'est pourquoi nous sommes en droit d'attendre de l'OSCE une attitude plus responsable. En particulier une prise de position à l'encontre "de tout acte qui pourrait aggraver la situation au point de mettre en danger le maintien de la paix et de la sécurité internationales et rendre ainsi plus difficile le règlement pacifique du différend". Sont évidemment concernées à ce titre les options abusives consistant à empiller des trains de "sanctions" contre la Russie hors du cadre de légalité internationale et autre acheminement de forces vers l'Ukraine ou la frontière Russe.
Conclusion
Pour conclure brievement il faut rappeller que ce n'est pas la
première fois que l'OSCE déçoit ceux qui ont cru à cet engagement de bonne foi des signataires en faveur de la Sécurité et la Coopération en Europe.
En Yougoslavie de nombreux principes d'Helsinki ont été bafoués sans que l'OSCE ne trouve beaucoup à redire. Notamment en ce qui concerne l'ingérence de puissances occidentales telle que l'Allemagne dont les services et autres officines ont pu librement jouer la déstabilisation sans souci de non-ingérence ou d'inviolabilité des frontières. [6]
En Yougoslavie de nombreux principes d'Helsinki ont été bafoués sans que l'OSCE ne trouve beaucoup à redire. Notamment en ce qui concerne l'ingérence de puissances occidentales telle que l'Allemagne dont les services et autres officines ont pu librement jouer la déstabilisation sans souci de non-ingérence ou d'inviolabilité des frontières. [6]
Lors du référendum de 2005 sur le Traité européen, l'OSCE n'a pas
émis un seul rapport ni une seule note concernant la conformité des
nouvelle normes européennes avec le droit international et les principes
énoncés dans l'Acte final de 1975. Or il semble que de nombreuses
dispositions du Traité de Lisbonne de 2007 - directement copiées dans le
Traité de 2005 - soient en conflit direct avec Helsinki et même la
Charte des Nations-Unies, surtout sur les questions de souveraineté, du
droit des peuples à disposer d'eux-mêmes ou de non-ingérence dans les
affaires intérieures. [7]
Qui donc peut mieux comprendre que nous qui en subissons la tyranie, le
refus d'autres de voir leur pays entrer dans le carcan de l'Union
européenne ?
De même l'implication Etatsunienne dans la subversion de l'hiver
2013-2014 à Kiev n'a pas été éclaircie. L'OSCE tarde beaucoup trop à
rappeler au respect du droit international le plus élémentaire, une
puissance entrainée dans une course sans frein à l'ingérence et à la
provocation. Un bellicisme pourtant dénoncé par Jack Matlock, ancien
ambassadeur US auprès du Kremlin. [8]Avec ce recul bien des illusions sont tombées et il est plus facile de comprendre ce propos de M. Poutine en 2007 :
« On tente de banaliser l'OSCE pour en faire un instrument au service d'un groupe de pays au détriment d'un autre », a déclaré le président russe. « Telle est la tâche poursuivie par l'appareil bureaucratique de l'OSCE, qui n'a absolument aucun lien avec les pays fondateurs, par ce que l'on appelle les organisations non-gouvernementales, formellement indépendantes mais en réalité financées et, par conséquent, contrôlées », a souligné le chef de l'État russe. « On veut banaliser l'OSCE et en faire un instrument au service d'un groupe de pays ». [9]
Notes
[1] Ukraine : l’Occident menace Moscou de « réaction forte » en cas de rupture de la trêve Journal Libération 3/03/2015 http://www.liberation.fr/monde/2015...
[2] The OSCE’s Near-Impossible Mission in Ukraine 5 mars 2015 http://carnegieeurope.eu/strategice...
[3] Fondation Carnégie pour la paix internationale Wikipédia 2015 http://fr.wikipedia.org/wiki/Fondat...
[/strong] http://www.axl.cefan.ulaval.ca/euro...
[4] Charte des Nations-Unies Chap. I Buts et principes https://www.un.org/fr/documents/cha...
[5] "Le déploiement d'observateurs de l'OSCE sur les actuels points chauds de l'est de l'Ukraine demandera un nouveau mandat, a réagi mardi l'organisation après une annonce en ce sens de Kiev. "Pour qu'il y ait plus d'observateurs, et pour qu'il y ait un changement substantiel des lieux où ils sont basés, il faudrait un changement du mandat", a déclaré à l'AFP le porte-parole Michael Bociurkiw, qui s'exprimait au téléphone depuis l'Ukraine." Ukraine : déployer plus d'observateurs requiert un nouveau mandat selon l'OSCE http://www.lepopulaire.fr/france-mo...
[6] "La République fédérale d'Allemagne a fortement poussé à la scission du Kosovo depuis le milieu des années 1990 (voir les informations à ce sujet de german-foreign-policy.com [3]). Elle renoue ainsi avec sa politique à long terme d'affaiblissement et d'émiettement de la Yougoslavie, dont on peut remonter le cours jusqu'aux années 1960. Quand le gouvernement de la République fédérale a remarqué en 1962 un nationalisme croissant dans la république constituante yougoslave de Croatie, le service de renseignements fédéral allemand (BND) a établi des contacts avec le groupe des fascistes oustachis au sein des organisations yougoslaves en exil. A partir de 1966, le service allemand d'espionnage à l'étranger a considérablement augmenté le nombre de ses agents en Yougoslavie.[4] A partir de 1971, face aux manifestations de masse nationalistes en Croatie, le BND a misé sur des mesures actives pour déstabiliser l'Etat yougoslave. A partir de 1980 enfin, sous l'autorité du président du BND et futur ministre des Affaires étrangères Klaus Kinkel, le démembrement de la Yougoslavie a été accéléré, avec tous les moyens dont dispose un service de renseignements.
Parallèlement, le ministre-président de Bavière Franz-Josef Strauss a été l'initiateur de mesures destinées à détacher économiquement la Slovénie et la Croatie de la république fédérative de Yougoslavie. On s'est servi du "groupe de travail Alpen-Adria" créé à la fin des années 1970, dont le but était de rapprocher de l'Allemagne du sud, par une politique d'"organisation de l'espace", d'anciennes provinces de l'Empire austro-hongrois, dont des Bundesländer autrichiens et le nord de l'Italie (Bolzano-Alto Adige/"Südtirol"). Des représentants des parlements régionaux de Slovénie et de Croatie - les deux régions avaient elles aussi fait partie de l'Empire austro-hongrois - ont participé dès le début aux réunions de l'organisation Alpen-Adria. Un Français avait critiqué cette coopération, "officiellement subventionnée à des fins culturelles par des crédits bavarois" pour "aider, en Slovénie et en Croatie, des groupes qui se détournaient de tout ce qui était serbe" : "C'est ainsi que la séparation a été préparée psychologiquement."
L'Allemagne de l'Ouest a encouragé de plus en plus ouvertement les gouvernements régionaux de Ljubljana et de Zagreb à faire sécession, quand la Yougoslavie, en 1987, s'est trouvée au bord de la faillite à cause d'une crise de paiement des dettes, et qu'elle a dû se soumettre à un sévère programme d'adaptation des structures du Fonds monétaire international (FMI).[6] L'argument de Bonn a été que la Slovénie et la Croatie n'auraient une chance d'être admises dans l'Union européenne que si elles se séparaient du Sud pauvre de la Yougoslavie. Fortes de ce soutien, la Slovénie et la Croatie ont déclaré leur indépendance en juin 1991, en violation de la Constitution yougoslave. La première guerre de sécession en Yougoslavie s'en est suivie. Tout d'abord, mis à part l'Allemagne, l'Autriche et le Vatican, aucun Etat n'était prêt à donner son accord pour un démembrement du pays. Aussi le gouvernement fédéral a-t-il brusqué, début décembre 1991, ses alliés de l'UE et de l'Otan, ainsi que ceux de l'ONU, menaçant pour la première fois depuis 1945 d'un cavalier seul de l'Allemagne sur la scène internationale : l'Allemagne annonça que même si aucun autre Etat ne la rejoindrait, elle allait reconnaître fin 1991 l'indépendance nationale des deux républiques sécessionnistes.
Washington, Londres et le secrétaire général de l'ONU Perez de Cuellar ont alors exprimé leur inquiétude. Ils ont demandé à Bonn de renoncer purement et simplement à la reconnaissance unilatérale des deux Etats, et ils ont mis en garde contre la guerre que provoquerait en Bosnie-Herzégovine la sécession de la Slovénie et de la Croatie. Le secrétaire général de l'ONU Perez de Cuellar a textuellement écrit ceci au ministre des Affaires étrangères Hans-Dietrich Genscher : "J'espère que vous avez pris connaissance de la grande inquiétude des présidents de la Bosnie-Herzégovine et de la Macédoine, et de beaucoup d'autres personnes, qui considèrent qu'une reconnaissance sélective prématurée pourrait entraîner l'extension du conflit actuel aux régions politiquement très sensibles. Une telle évolution pourrait avoir de graves conséquences pour l'ensemble des Balkans."[7] A nouveau, des voix s'élèvent aujourd'hui pour des mises en garde analogues, face à la sécession imminente du Kosovo.
Pas plus qu'il ne l'a fait hier, le gouvernement fédéral ne s'en formalise aujourd'hui. Lors d'une séance de nuit à Bruxelles, le 15 décembre 1991, en faisant des concessions d'ordre économique et politique dans d'autres domaines, Hans-Dietrich Genscher a pressé ses homologues de l'UE de prendre une décision, par laquelle l'UE en son entier reconnaissait la sécession de la Slovénie et de la Croatie pour janvier 1992. Peu de temps après, en avril 1992, la guerre se déclencha en Bosnie-Herzégovine. Déjà, la presse française avait décrit avec clairvoyance la politique allemande dans l'Europe de l'Est et du Sud-est : "L'Allemagne réunifiée pourrait être tentée de jouer de nouveau un rôle dominant dans cette partie de l'Europe, et, pour y parvenir, d'attiser des conflits en jetant de l'huile sur le feu." http://www.german-foreign-policy.co...
[2] The OSCE’s Near-Impossible Mission in Ukraine 5 mars 2015 http://carnegieeurope.eu/strategice...
[3] Fondation Carnégie pour la paix internationale Wikipédia 2015 http://fr.wikipedia.org/wiki/Fondat...
[/strong] http://www.axl.cefan.ulaval.ca/euro...
[4] Charte des Nations-Unies Chap. I Buts et principes https://www.un.org/fr/documents/cha...
[5] "Le déploiement d'observateurs de l'OSCE sur les actuels points chauds de l'est de l'Ukraine demandera un nouveau mandat, a réagi mardi l'organisation après une annonce en ce sens de Kiev. "Pour qu'il y ait plus d'observateurs, et pour qu'il y ait un changement substantiel des lieux où ils sont basés, il faudrait un changement du mandat", a déclaré à l'AFP le porte-parole Michael Bociurkiw, qui s'exprimait au téléphone depuis l'Ukraine." Ukraine : déployer plus d'observateurs requiert un nouveau mandat selon l'OSCE http://www.lepopulaire.fr/france-mo...
[6] "La République fédérale d'Allemagne a fortement poussé à la scission du Kosovo depuis le milieu des années 1990 (voir les informations à ce sujet de german-foreign-policy.com [3]). Elle renoue ainsi avec sa politique à long terme d'affaiblissement et d'émiettement de la Yougoslavie, dont on peut remonter le cours jusqu'aux années 1960. Quand le gouvernement de la République fédérale a remarqué en 1962 un nationalisme croissant dans la république constituante yougoslave de Croatie, le service de renseignements fédéral allemand (BND) a établi des contacts avec le groupe des fascistes oustachis au sein des organisations yougoslaves en exil. A partir de 1966, le service allemand d'espionnage à l'étranger a considérablement augmenté le nombre de ses agents en Yougoslavie.[4] A partir de 1971, face aux manifestations de masse nationalistes en Croatie, le BND a misé sur des mesures actives pour déstabiliser l'Etat yougoslave. A partir de 1980 enfin, sous l'autorité du président du BND et futur ministre des Affaires étrangères Klaus Kinkel, le démembrement de la Yougoslavie a été accéléré, avec tous les moyens dont dispose un service de renseignements.
Parallèlement, le ministre-président de Bavière Franz-Josef Strauss a été l'initiateur de mesures destinées à détacher économiquement la Slovénie et la Croatie de la république fédérative de Yougoslavie. On s'est servi du "groupe de travail Alpen-Adria" créé à la fin des années 1970, dont le but était de rapprocher de l'Allemagne du sud, par une politique d'"organisation de l'espace", d'anciennes provinces de l'Empire austro-hongrois, dont des Bundesländer autrichiens et le nord de l'Italie (Bolzano-Alto Adige/"Südtirol"). Des représentants des parlements régionaux de Slovénie et de Croatie - les deux régions avaient elles aussi fait partie de l'Empire austro-hongrois - ont participé dès le début aux réunions de l'organisation Alpen-Adria. Un Français avait critiqué cette coopération, "officiellement subventionnée à des fins culturelles par des crédits bavarois" pour "aider, en Slovénie et en Croatie, des groupes qui se détournaient de tout ce qui était serbe" : "C'est ainsi que la séparation a été préparée psychologiquement."
L'Allemagne de l'Ouest a encouragé de plus en plus ouvertement les gouvernements régionaux de Ljubljana et de Zagreb à faire sécession, quand la Yougoslavie, en 1987, s'est trouvée au bord de la faillite à cause d'une crise de paiement des dettes, et qu'elle a dû se soumettre à un sévère programme d'adaptation des structures du Fonds monétaire international (FMI).[6] L'argument de Bonn a été que la Slovénie et la Croatie n'auraient une chance d'être admises dans l'Union européenne que si elles se séparaient du Sud pauvre de la Yougoslavie. Fortes de ce soutien, la Slovénie et la Croatie ont déclaré leur indépendance en juin 1991, en violation de la Constitution yougoslave. La première guerre de sécession en Yougoslavie s'en est suivie. Tout d'abord, mis à part l'Allemagne, l'Autriche et le Vatican, aucun Etat n'était prêt à donner son accord pour un démembrement du pays. Aussi le gouvernement fédéral a-t-il brusqué, début décembre 1991, ses alliés de l'UE et de l'Otan, ainsi que ceux de l'ONU, menaçant pour la première fois depuis 1945 d'un cavalier seul de l'Allemagne sur la scène internationale : l'Allemagne annonça que même si aucun autre Etat ne la rejoindrait, elle allait reconnaître fin 1991 l'indépendance nationale des deux républiques sécessionnistes.
Washington, Londres et le secrétaire général de l'ONU Perez de Cuellar ont alors exprimé leur inquiétude. Ils ont demandé à Bonn de renoncer purement et simplement à la reconnaissance unilatérale des deux Etats, et ils ont mis en garde contre la guerre que provoquerait en Bosnie-Herzégovine la sécession de la Slovénie et de la Croatie. Le secrétaire général de l'ONU Perez de Cuellar a textuellement écrit ceci au ministre des Affaires étrangères Hans-Dietrich Genscher : "J'espère que vous avez pris connaissance de la grande inquiétude des présidents de la Bosnie-Herzégovine et de la Macédoine, et de beaucoup d'autres personnes, qui considèrent qu'une reconnaissance sélective prématurée pourrait entraîner l'extension du conflit actuel aux régions politiquement très sensibles. Une telle évolution pourrait avoir de graves conséquences pour l'ensemble des Balkans."[7] A nouveau, des voix s'élèvent aujourd'hui pour des mises en garde analogues, face à la sécession imminente du Kosovo.
Pas plus qu'il ne l'a fait hier, le gouvernement fédéral ne s'en formalise aujourd'hui. Lors d'une séance de nuit à Bruxelles, le 15 décembre 1991, en faisant des concessions d'ordre économique et politique dans d'autres domaines, Hans-Dietrich Genscher a pressé ses homologues de l'UE de prendre une décision, par laquelle l'UE en son entier reconnaissait la sécession de la Slovénie et de la Croatie pour janvier 1992. Peu de temps après, en avril 1992, la guerre se déclencha en Bosnie-Herzégovine. Déjà, la presse française avait décrit avec clairvoyance la politique allemande dans l'Europe de l'Est et du Sud-est : "L'Allemagne réunifiée pourrait être tentée de jouer de nouveau un rôle dominant dans cette partie de l'Europe, et, pour y parvenir, d'attiser des conflits en jetant de l'huile sur le feu." http://www.german-foreign-policy.co...
[7]
"Cependant il faudrait savoir si cette mise au placard d’Helsinki n’est
pas délibérée puisqu’il existait une Organisation chargée de promouvoir
les principes de sécurité et de coopération en Europe (OSCE). Or cet
OSCE semble se faire fort de ne jamais faire parler d’elle. Lui a t’on
seulement demandé de rendre son avis sur le texte du TCE ?" TCE de Giscard : la trahison d’Helsinki 21 mai 2005 http://www.monde-solidaire.org/spip...
[8] Ukraine : le bellicisme d’Obama dénoncé par d’anciens ambassadeurs américains http://re-informe.com/ukraine-le-be...
[9] Munich, 10 février 2007 http://fr.sputniknews.com/internati...
[8] Ukraine : le bellicisme d’Obama dénoncé par d’anciens ambassadeurs américains http://re-informe.com/ukraine-le-be...
[9] Munich, 10 février 2007 http://fr.sputniknews.com/internati...
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