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02 septembre 2015

Brève réponse à Nathanael Uhl et à son article "non-polémique" intitulé : "A gauche, le dangereux leurre de la souveraineté nationale"

Sérieusement ce texte ne répond pas à la problématique posée. Après celui où tu sembles t'amuser à rouler Jacques Sapir dans la boue, nous avons droit ici à une construction rhétorique des plus improbables. Je suppose que l'effort de redresser une logique si défaillante s'avère à ce stade inutile. Mais pourquoi ne pas tenter d'eveiller le sens critique et le courage politique de quelques lecteurs qui auront le loisir de suivre cette polémique?

Le premier problème de ce propos est de prendre l'échec de Syriza comme argument pour démontrer "l'illusion" du principe de souveraineté et d'indépendance nationale.
Je cite par exemple : "l’Union européenne est, dans sa construction politique actuelle – c’est-à-dire dans un rapport de forces politique donné – une machine politique à broyer les peuples. Le nier serait se voiler les yeux. Mais est-ce que le retour au cadre national et à la souveraineté nationale n’est pas une illusion mortifère de plus ? L’exemple grec aurait tendance à faire répondre par l’affirmative."
Que je sache personne à Syriza n'a écrit, ni proposé de rétablir la souveraineté de la Grèce, ni avant les élections, ni après la victoire électorale des législatives, ni avant le référendum de juillet. Où verrait-on que ce projet de "retour au cadre national" fut ici "une illusion" puisqu'il n'a été ni évoqué par le gouvernement Tsipras, ni même - et pour cause - été l'objet d'une tentative d'application ?

Poser l'échec de Syriza comme l'échec du "retour à la souveraineté nationale" serait une belle réussite (pour ceux qui, comme l'auteur, prétendent en démontrer l'impasse) mais faute d'éléments concrets, on reste dans la politique-fiction et la manipulation.
Julien, un commentateur qui ne partage pas ce point de vue, évoque avec raison le cas de l'Islande et prend le contrepied de ce pseudo-raisonnement en disant : "L’exemple islandais (toute proportion gardée) montre qu’on peut, même en étant petit face à un gros, prendre des décisions radicales et bien s’en sortir."
Cette position (à la fois celle de l'Islande et de Julien) illustre pour moi ce que l'on appelle : "le courage politique". Une attitude bien rare à notre époque qui se prête si bien à toutes les connivences privées de circonstances et toutes les renonciations publiques les plus opportunes.
A contrario on peut citer cette citation tirée du même texte : "Laisser à croire qu’un mouvement politique puisse permettre de changer la donne dans le cadre de l’état nation est un mensonge."
Outre le fait que la Grèce n'illustre nullement cette affirmation péremptoire, puisque comme nous l'avons dit ni Tsipras, ni Syriza n'ont tenté de mettre en oeuvre ce projet ; il y a deux arguments tout aussi inutiles qui viennent s'ajouter :
1. Une citation d'Antonio Negri, «l’erreur essentielle des gauches nationales a été de ne pas comprendre que la mondialisation était un phénomène irréversible». Comme si "la mondialisation" était réellement -en elle-même- une fatalité cosmique. En fait rien de tel. On sait bien désormais qu'il s'agit d'une stratégie des milieux oligarchiques, proposée par une poignée d'économistes universitaires tel John Williamson pour le "Consensus de Washington", relayé par les agents US de la Banque Mondiale ou du FMI et enclenché par les décisions ponctuelles de certains gouvernements tels celui de Beregovoy en 91 de supprimer le contrôle des changes. Prétendre ainsi qu'il s'agisse "d'un phénomène irréversible" est ridicule à double titre. C'est premièrement en méconnaitre les ressorts et donc se placer hors de capacité de l'enrayer. Selon l'attitude d'un poisson rouge devant la fuite d'eau de son aquarium. Ensuite c'est renoncer à la pensée elle-même car identifier la mondialisation comme "un phénomène irréversible" c'est renoncer à le comprendre et sous-estimer la capacité de la raison humaine (Sans blague! On se croyrait déjà revenus au Moyen-age). Or le premier mouvement d'une pensée rationnelle, après avoir identifié l'origine d'un phénomène, c'est d'en mesurer la reproductibilité. Sur ce point il ne faut pas faire de longs calculs pour savoir qu'à une phase d'expansion de la finance et du commerce, viendra une phase de contraction et d'épuisement du mouvement. La crise de 2008 avait déjà mis un terme à la période de "mondialisation heureuse" et les crises qui surviennent ensuite ne font que déstabiliser et fragiliser ce système soit-disant "irréversible". C'est un grave manquement de la pensée socialiste (dans le sens premier du terme), à laquelle l'auteur semble prétendre, de manquer ces analyses concrètes et historiques. Manquement que l'on tente de palier en répetant par citation des idioties.
2. Après l'argument d'autorité nous avons droit à l'argument de majorité : "Ensuite, le rapport des Français à l’Europe, pour ambigu qu’il soit, témoigne d’une adhésion à l’Union." Et alors qu'est-ce que ça prouve? Et si une majorité était favorable au nazisme et à l'occupation, cela serait-il un argument pour nous priver de rejoindre -en notre âme et conscience- la Résistance? Est-ce parce qu'on a plus rien à proposer à l'avant-garde comme projet moral, intellectuel et politique que l'on doit rejoindre le troupeau que quelques politologues et statisticiens entrevoient entre la rivière et la forêt? Est-ce celà "le cri du peuple"?! : "rejoignez les médiocres dans l'aveuglement et l'inconsistance de la réflexion !"

Ici il faudrait encore pousser des portes ouvertes... 
Expliquer que la liberté, l'indépendance d'un peuple se mesure à la souveraineté de l'Etat qu'il constitue et qui le soutient. 
Expliquer encore qu'il n'y a pas de démocratie sans souveraineté puisque sans elle, sans titre et sans droit : aucune décision, aucun projet, nul programme - même de progrès social - n'est possible.
Expliquer toujours que le projet d'Union européenne est un leurre anti-démocratique, un leurre celui d'une "Europe sociale" que les socialistes (dont Mélenchon) nous ont promis-juré l'avènement dés la ratification de Maastricht en 1991, du TCE de 2005... 
Mais à quoi bon ? Le simple fait de réflechir posément sur ces questions ne suffit-il pas ? Est-il vraiment nécessaire d'en débattre? Le principe de souveraineté ou d'indépendance ne se défend t-il pas de lui-même ?
Ne suffit-il pas simplement d'un peu de courage et de lucidité et de se dire : "On y va? On les oublie ces gens qui nous disent que plus rien n'est possible, plus aucun rêve n'est utile ? On redevient des citoyens qui se font respecter? Hé l'ami, pourquoi pas ? Hardi les volontaires!"

(Ce commentaire semble avoir été censuré sur le blog "le cri du peuple" proche d'une ligne euro-fédéraliste du PCF) 

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